Résumé
Dans mon village natal, perché en haut de la carte de France, dans la presqu'île du Cotentin, le progrès a apporté, comme partout ailleurs, beaucoup de liberté et de confort. Avant la Révolution, c'est en son nom que nous nous dressons, Gilets Jaunes avant l'heure, contre le clergé lorsqu'il exige de nouveaux impôts. C'est en son nom que nous construisons des écoles, c'est encore lui qui invente l'agriculture moderne, qui renvoie la religion dans l'espace privé, qui libère les femmes, permet l'émergence de leaders en phase avec leur temps. Mais le progrès s'est aussi joué de nous. Ses inventions ont expédié nos grands-pères dans l'enfer de Verdun. C'est à lui que l'on doit l'industrie nucléaire, pour le meilleur et pour le pire. C'est lui qui déclenche aujourd'hui de furieux débats sur l'agriculture intensive, sur la biodiversité,sur notre modèle de consommation. Bien des années après les Trente Glorieuses, l'heure est aux constats amers. Mais ne peut pas comprendre le présent si on n'a qu'une vague idée de ce qu'a été notre passé récent. Cette histoire au ras du sol dans une France que l'on appelle aujourd'hui périphérique, est la mienne, mais aussi celle de millions de Français nés au milieu du siècle dernier. C'est dans cet univers de villages et de clochers que j'ai été éduqué et c'est cette France que, plus tard, j'ai longuement observée comme journaliste. Ce texte est donc à la fois, à travers quelques thèmes, le récit des mentalités d'une époque et l'exposé des ressorts d'un développement phénoménal. Il est aussi le fruit de questions posées à quelques acteurs de terrain hommes politiques, syndicalistes agricoles, agriculteur, prêtre, militant antinucléaire, lanceur d'alerte qui ont contribué à façonner notre société et sont en mesure d'exprimer ce qu'elle est devenue. Ce récit est donc à la croisée de débats très actuels sur l'organisation de l'Etat, sur la crise de la représentation, sur l'écologie, la paupérisation des classes moyennes, la survie des agriculteurs en tant que métier dans la nature, sur le risque nucléaire, la crise du christianisme rural, sur la question animale, la marginalisation vraie ou supposée des villages face à la Technocratie.