Résumé
L'objectif principal de cet essai est « d'inviter le gouvernement et les partis d'opposition à Québec de procéder à une réforme en profondeur du cadre légal et du cadre fiscal dans lesquels les villes sont enfermées », bref à libérer les villes. Et l'auteur affirme qu'il y a urgence d'agir.Une nouvelle génération de politiciennes et de politiciens municipaux investissent actuellement le monde municipal avec énergie, détermination et enthousiasme pour relever des défis incontournables dans le monde d'aujourd'hui. Ils veulent des villes qui ont les moyens de lutter contre les changements climatiques. Ils veulent des villes qui ont les moyens d'adapter, de toute urgence, leurs infrastructures à ces mêmes changements climatiques. Ils veulent des villes qui ont les moyens d'assurer l'épanouissement de notre culture et de notre langue pour contrer l'américanisation du monde. Ils veulent des villes qui ont les moyens d'accueillir les nouveaux arrivants et les nouvelles arrivantes : logement, outils de francisation, vie de quartier inclusive, etc. Ils veulent des villes qui ont les moyens d'innover, ce que notre statut de « créatures des provinces » permet trop peu.Malgré toute l'énergie, les idéaux et les milliers de personnes qui veulent uen réorganisation politique, nous ne pourrons pas faire les changements qui s'imposent si une réforme du cadre dans lequel le monde municipal évolue n'a pas lieu. La fiscalité municipale est brisée, elle ne répond plus aux besoins des villes d'aujourd'hui et elle nuit même parfois aux citoyens, aux citoyennes et aux gens d'affaires. Le cadre légal dans lequel nous évoluons nous étouffe et rend pénible chacun de nos gestes novateurs.Il faut réformer le monde municipal. Cette réforme concerne tout le monde, toutes les villes, toutes les municipalités, tous les villages du Québec.Le chantier envisagé est ambitieux, mais les fruits qu'il portera sont à sa hauteur. Renforcer les villes, c'est améliorer nos milieux de vie, c'est donner de la qualité de vie aux enfants, c'est protéger les plus démunis, c'est faire émerger des artistes, c'est s'outiller pour faire face aux crises, c'est briser l'isolement des personnes aînées et celles issues de l'immigration, c'est consolider la démocratie.Renforcer les villes, c'est renforcer le Québec.En février 2021, Maxime Pedneaud-Jobin publiait un essai « Passer de la ville à la cité ». Il y décrivait, à partir de l'expérience de Gatineau, à quel point la participation des citoyens améliore le monde. Ce nouvel essai porte sur les municipalités, extraordinaires outils pour, encore, améliorer le monde, mais outils handicapés par le carcan légal et fiscal qui les emprisonnent.Ce nouvel essai a un seul objectif : inviter le gouvernement et les partis d'opposition à Québec de procéder à une réforme en profondeur du cadre légal et du cadre fiscal dans lesquels les municipalités sont enfermées.On ne parle pas ici de fusions municipales, pas du tout.On parle d'une réforme en profondeur de la fiscalité ainsi que du cadre légal dans lequel les municipalités sont emprisonnées pour faire des municipalités de vrais gouvernements de proximité.La fiscalité municipale, telle qu'on la connait, ne fonctionne plus. Quand la taxe foncière a été inventée, elle devait financer quelques services associés à la propriété : aqueducs, égouts, déneigement, etc. Deux siècles plus tard, ce même mécanisme fiscal doit financer le logement, les sports, les loisirs, la culture, le développement économique, le développement social, la lutte et l'adaptation aux changements climatiques, une partie de la lutte à l'itinérance et du soutien aux organismes communautaires, et même les terrains des écoles du gouvernement du Québec! Résultat? Les municipalités augmentent les taxes, n'arrivent pas à remplir toutes leurs missions, diminuent parfois les services et sont continuellement en train de quêter.Le cadre légal dans lequel les municipalités évoluent est brisé lui aussi. Parce que les municipalités n'ont pas de champ de compétence propre, parce que tout ce qu'elles peuvent faire doit être inscrit dans la loi québécoise, le droit municipal est d'une complexité sans égale. Il y a, à Québec, une énorme bureaucratie qui ne sert qu'à encadrer, contrôler, accompagner les municipalités. En 2016, à Gatineau, le Service des finances avait calculé que c'était l'équivalent de 41 employés à temps plein qui ne faisaient que répondre aux exigences de reddition de comptes du gouvernement du Québec.Les municipalités pourraient être des moteurs puissants pour protéger l'environnement, pour développer intelligemment notre économie, pour augmenter la qualité de vie de nos familles, pour mieux accueillir les nouveaux arrivants, pour stimuler notre culture, etc. Elles le font déjà beaucoup d'ailleurs, mais avec une main attachée dans le dos (une fiscalité déficiente) et un boulet au pied (un cadre légal déficient).Libérer les villes du carcan dans lequel elles sont prises, c'est donner des ailes à tout le Québec.