Aujourd'hui, sous couvert de bonne gouvernance, de créativité ou de réalisation personnelle, le capitalisme déploie de nouvelles formes de sujétions au travail porteuses de toute une série de pathologies inédites (stress, dépression, burn-out...). Les précaires et les travailleurs pauvres ont remplacé les prolétaires sur l'échelle des inégalités sociales et c'est à eux que l'imaginaire managérial contemporain fait porter la responsabilité de leur exclusion. Ils ne seraient jamais assez flexibles, assez employables, assez leaders de leurs propres vies.
Contre cet imaginaire, et alors même que d'aucuns la croyaient enterrée avec la «fin des idéologies» proclamée dans les années 1980, la théorie critique est remise au gout du jour. Le présent volume entend bien contribuer à cette relance. L'enjeu singulier qu'il s'est fixé est de tenir compte des traditions allemande, française et américaine sans jamais se départir de leur élan marxiste initial s'attaquant à toutes les formes de domination.
Cependant, tout se passe comme si ces traditions avaient longtemps travaillé à partir d'un seul schème de pensée : les individus reproduisent inconsciemment les structures sociales du capitalisme qui pourtant les aliènent. Ils ne cherchent plus à se rebeller contre un système qui appauvrit pourtant leur travail, leur culture, leur âme elle-même. Pire, ils assurent la reproduction dudit système en glorifiant les valeurs dominantes.
Les textes rassemblés ici entendent faire prendre à la théorie critique le tournant qui lui permettra à l'avenir d'appréhender le potentiel d'émancipation propre à l'homme existant ici et maintenant, souvent lucide à l'égard de l'idéologie néolibérale et de son prétendu pragmatisme. Le sujet-objet exclusivement aliéné et manipulé par la société de consommation est derrière nous. Face à l'exploitation contemporaine, place aux résistances citoyennes, des Femen aux Anonymous, en passant par les Indignés, les antipubs ou l'économie solidaire. Place à la nouvelle théorie critique.