Résumé
« Écouter, soigner, comprendre, assurer le passage, ces quatre maîtres mots forment des repères probables pour rencontrer l'œuvre vivante de Jean-Luc Graber, pédopsychiatre et psychanalyste disparu en octobre 2000. Cet ouvrage en témoigne qui rassemble une sélection d'une quinzaine de ses textes parmi les plus importants. Tous dessinent un espace où la clinique et le travail patient de la théorisation, le soin et l'invention de dispositifs institutionnels novateurs se mettent mutuellement et constamment à l'épreuve. Jean-Luc Graber était assurément un remarquable clinicien, doué de cette écoute qui fait surgir chez l'autre la parole jusqu'alors « avortée dans le symptôme », comme il l'écrit dans le texte qui inaugure ce livre, perdue dans les « balbutiements du corps », sidérée par l'effroi de la folie et de la mort. Son expérience clinique quotidienne engagée auprès des patients, notamment des enfants, mais aussi auprès de tous ceux qui ont la charge et le souci d'en prendre soin, lui imposait de comprendre, de nommer (« l'annonce du handicap), d'être attentif à « l'usage du secret », de déjouer les pièges « du double et de l'identité spéculaire ». On reconnaîtra, en le lisant, combien sa formation de psychanalyste inspirait son intelligence et son éthique. Son extrême attention au « travail » du passage entre l'enfant, l'adolescent, les adultes, entre le champ médical, social, éducatif, psychiatrique, psychanalytique l'a conduit à prendre l'initiative de plusieurs dispositifs de soin pour « accueillir l'enfant psychotique ». Plusieurs écrits rendent compte de l'approche institutionnelle originale que ce médecin résolument engagé dans le service public sut mettre en œuvre avec conviction et générosité. Cet ouvrage peut assurément être lu comme le témoignage de l'empreinte que ce clinicien singulier, ce passeur constant, ce penseur rigoureux a laissé dans sa génération et dans celles qui ont suivi. Il est aussi un regard rétrospectif sur trente années d'une psychiatrie qui sut défier les nombreux pièges normatifs et instaurer une écoute du sujet en souffrance, au lieu de l'administrer depuis des savoirs déjà établis et des procédures écrites à l'avance. En écho aux textes de Jean-Luc Graber, quelques-uns parmi ses proches l'accompagnent de contribution originales : André Beetschen, Anne Bourquin-Chossegros, André Carel, Bernard Chervet, Jean Furtos et Françoise Molénat. Ils lu rendent hommage dans l'esprit de rencontre et de réciprocité exigeante qui inspirait son style de vie. Catherine Graber joint sa voix à celles de ses fils et d'un frère de Jean-Luc Graber pour nous en faire partager quelques traits. » René Kaës