Liberty
Quand les Etats-Unis, malgré de puissantes résistances intérieures, attirent en masse les immigrés et en bénéficient, la France les rejette et se prive de cette chance
Sylvain Cypel - Collection Non fiction
Résumé
"On ne le dira jamais assez souvent ni assez fortement : les immigrants revitalisent et renouvellent l'Amérique." Lorsqu'il prononçait ces paroles, fin 2015, Obama était confronté à une arrivée massive de réfugiés d'Amérique centrale tentant d'entrer dans son pays par tous les moyens - et aux propos xénophobes qu'ils suscitaient chez le candidat Trump et d'autres. Comme l'était en Europe François Hollande, face à l'afflux en Méditerranée des réfugiés moyen-orientaux et africains."
Les Américains ont leur Trump et leur Ann Coulter, équivalents locaux des Marine Le Pen et Éric Zemmour français. Mais en face, ils ont Obama, dont le discours sur l'immigration est aux antipodes de celui de Hollande et Valls. Surtout, la société civile est majoritairement convaincue que l'immigration représente la meilleure chance pour l'avenir de l'Amérique.
Alors qu'en France des politiques migratoires restrictives sont prônées tant à droite qu'à gauche, aux États-Unis les hommes politiques sont radicalement divisés. D'un côté, le parti républicain et une frange activiste xénophobe mènent la bataille pour mettre fin à l'ouverture migratoire. De l'autre, une majorité des démocrates et surtout de la nation américaine encouragent l'accueil favorable d'immigrés en qui ils voient, grâce à leur "diversité", une "chance" pour leur pays et son avenir.
L'auteur - Sylvain Cypel
Sylvain Cypel, ancien directeur de la rédaction de Courrier international et correspondant du Monde aux États-Unis de 2007 à 2013, est l'auteur de Les Emmurés. La société israélienne dans l'impasse (La Découverte, 2006) et de Un nouveau rêve américain. La fin de l'Amérique blanche (Autrement, 2015).
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Sommaire
INTRODUCTION
" L'immigration, meilleur biais pour évaluer les changements d'une société "
Aux États-Unis comme en France, le sujet de l'immigration s'est retrouvé au cœur du débat à l'approche des échéances électorales présidentielles. Mais alors qu'en France et en Europe (à l'exception notoire de l'Allemagne et la Suède), le discours dominant, dans presque tous les bords politiques, liait prioritairement les enjeux migratoires à la question " sécuritaire ", aux États-Unis, deux camps clairement identifiés émergeaient. Le premier, Trump et compagnie, voit dans l'immigration croissante une menace : pour l'identité américaine, pour son économie, pour sa domination sur le reste du monde. Le second, à l'inverse, y voit non seulement une évolution démographique inéluctable des sociétés occidentales, mais une " chance " à saisir. Et sa voix pèse plus que celle des adversaires de l'immigration.
UNE BRÈVE HISTOIRE DE L'IMMIGRATION AUX ÉTATS-UNIS
" Envoie ces sans-abri que la tempête livre "...
Contrairement à l'idée reçue, les Américains, durant longtemps, ne se sont pas perçus comme un " pays d'immigrants ". Les lois des années 1920 limitaient drastiquement l'arrivée des immigrés afin de privilégier la venue de Blancs anglo-saxons. Les vagues d'immigrants, qu'ils soient d'Europe de l'Est et du Sud ou d'Asie, subissaient racisme et xénophobie de la part de leurs adversaires, les " nativistes ". Mais un tournant, pris en 1965, en pleine ère de triomphe des droits civiques, a ouvert les portes du pays à une immigration qui, en un demi-siècle, est devenue massive (plus d'un million de personnes par an, sans compter les centaines de milliers d'immigrés clandestins). Depuis trois ans, le nombre des nouveaux arrivés asiatiques dépasse celui des Latino-américains. Et les ressortissants des Caraïbes et d'Afrique sont les immigrés dont le nombre croît le plus vite. Avec une population immigrée plus nombreuse et plus diversifiée qu'en Europe, les États-Unis deviennent le premier pays " mondialisé " de la planète.
COMMENT L'ENJEU MIGRATOIRE A DÉMOLI LE PARTI RÉPUBLICAIN
" C'est dur, sale, méchant, vicieux. C'est magnifique ! "
Qui est le dernier président à avoir régularisé aux États-Unis plus de 3 millions d'immigrés clandestins ? Ronald Reagan, en 1986. Qui a qualifié les sans-papiers de gens " honorables, honnêtes et aimant leurs familles " ? Son successeur, George Bush père. Deux républicains. Depuis, le lobby au Congrès des nouveaux " nativistes " américains, retrouvant la tonalité de ses ancêtres, a repris du volume. Jusqu'à imposer son discours au parti républicain. Avec l'avènement d'Obama, qui aura été non seulement le premier " président noir " mais aussi le premier enfant d'immigré à entrer à la Maison Blanche, l'hostilité de la droite sur la question migratoire a pris une ampleur inédite. Elle a chaque fois imposé son ordre du jour aux candidats républicains, avec chaque fois le même résultat : l'échec. Ces néonativistes ont leurs intellectuels, leurs propagandistes, leurs élus, leurs activistes. Avec Donald Trump et Ted Cruz, ils ont occupé la quasi-totalité du champ politique durant les élections primaires républicaines. Et placé le parti républicain dans une position où, quel que soit son candidat final, l'échec à l'élection présidentielle est annoncé.
LES SANS-PAPIERS, AU COEUR DE LA BATAILLE AMÉRICAINE
" La lutte pour les droits civiques de notre temps "
Ils sont 11,5 millions ! Ramené à notre échelle, c'est comme si la France accueillait sur son sol entre 2 et 2,5 millions de sans-papiers (alors qu'ils ne sont que 300 000 à 400 000). Ces " illégaux " font vivre d'importants secteurs d'activité et l'économie d'États majeurs comme le Texas ou la Californie. George Bush puis Obama ont essayé de les régulariser et de leur offrir " une voie vers la citoyenneté ". Ils ont tous deux échoué face au lobby anti-immigrés au Congrès. Obama, par deux décrets, a offert une régularisation " temporaire " à quelque à 7 millions d'entre eux. Ces décrets, les républicains les contestent devant la Cour suprême. Mais Obama a aussi mené une politique d'expulsion massive des sans-papiers, surtout ceux disposant d'un casier judiciaire, une politique très critiquée par les associations hispaniques, en particulier. La sortie de la clandestinité de ces immigrés parfois présents depuis 20 ou 25 ans aux États-Unis est devenue le cœur de toute la bataille sur le rapport à l'immigration. Derrière elle, c'est tout le rapport politique, philosophique et social à l'immigration qui est en jeu.
UNE SOCIÉTÉ CIVILE MAJORITAIREMENT ACQUISE AUX IMMIGRÉS
" Le principe Capone "
Face à l'hostilité xénophobe anti-immigrés, toutes les études le montrent, la société américaine estime que l'apport des immigrés est plus " utile " au pays qu'il ne lui est " néfaste ". Une majorité se dit favorable à une sortie des sans-papiers de la clandestinité. Surtout, le camp de la défense et de la promotion des immigrés est exceptionnellement actif. Des dizaines de grandes municipalités ont offert des " papiers d'identité " informels à leurs sans-papiers pour les protéger sur le plan légal. Les universités et les " groupes de réflexion " mènent de vastes programmes d'études et de formation en direction des juristes et d'autres professions. Des fondations et des associations mobilisent moyens humains et financiers pour aider les immigrés. Parce que le chantier de leur insertion sociale reste immense ? Evidemment. Mais aussi parce que le degré de conscience, aux États-Unis, de l'intérêt collectif à mieux accueillir les immigrés est immensément plus développé qu'en Europe.
LA TRÈS RÉSISTIBLE MONTÉE DE L'ISLAMOPHOBIE
" Un musulman, vous ne savez pas d'avance s'il est terroriste ou amical "
Entre les candidats à la nomination républicaine pour l'élection présidentielle, au lendemain des attentats à Paris, le 13 novembre 2015, puis à San Bernardino, en Californie, le 2 décembre, tous deux commis par Daesh, ce fut à qui dénoncerait dans l'islam en général et les réfugiés syriens en particulier une menace existentielle pour le devenir des États-Unis. L'un évoqua " des chiens enragés ". Un autre annonça qu'élu, il n'autoriserait l'entrée d'aucun réfugié, " pas même les orphelins de moins de cinq ans ". À l'inverse, Barack Obama, lui, compara la fuite des réfugiés syriens à celle des Juifs de l'Allemagne nazie. L'islamophobie a-t-elle aux États-Unis un grand avenir ? Les analystes sont très partagés. Les musulmans y sont peu nombreux (1 % de la population) et en moyenne beaucoup plus fortunés qu'en Europe. Depuis le 11 septembre 2001, des prurits de haine contre les musulmans surgissent régulièrement pour retomber chaque fois rapidement. Et la xénophobie principale se porte sur les Hispaniques, avec des arguments – ils seraient " culturellement inassimilables " – qui sonnent comme ceux entendus en Europe à l'égard des musulmans.
CALIFORNIE I. LES CHINOIS, PARIAS HIER, DEVENUS " IMMIGRÉS MODÈLES "
" Si vous êtes Asiatique, vous devez être meilleur que les Blancs "
On l'a oublié, mais les Chinois, et au-delà d'eux les Asiatiques en général, furent au XIXe siècle et jusque dans les années 1920 les plus brimés de tous les immigrés aux États-Unis, dépeints, à une époque d'eugénisme triomphant, comme des sous-hommes. Aujourd'hui, ces mêmes Chinois sont considérés aux États-Unis comme " l'immigration modèle ", celle qui adopte le plus facilement l'American way of life. Comment un tel bouleversement a-t-il été rendu possible ? Description d'une population immigrée dont les succès universitaires et professionnels – sans elle, la Silicon Valley n'existerait pas – masquent le fait qu'elle est en réalité socialement très diversifiée. Reste qu'à San Francisco, aujourd'hui, le maire est d'origine chinoise, et que sur les 12 membres de son équipe municipale, 5 sont sino-américains et un d'origine coréenne (et deux sont latinos).
CALIFORNIE II. L'IDÉALTYPE ÉCONOMIQUE DE L'IMMIGRATION " UTILE "
" Plus un pays a d'immigrés, plus il exporte son influence dans le monde "
En 1997, les Californiens adoptaient par référendum la " proposition 187 ", un projet de loi visant à exclure des subventions sociales les immigrés sans papiers. La loi fut révoquée par la justice pour inconstitutionnalité. Vingt ans plus tard, plus personne ne peut imaginer voter une telle loi. L'économie du plus grand État américain cesserait de fonctionner sans ses immigrés, clandestins inclus. Ceux-ci lui fournissent exactement les deux populations dont l'Amérique libertaire du capitalisme financier triomphant a le plus besoin : d'une part les salariés très qualifiés pour les secteurs de pointe (la finance, le high-tech, la santé...), de l'autre les salariés précaires et peu qualifiés pour les métiers en fort développement et de plus en plus féminins (les aides à domicile, en particulier). Qui a dit qu'ultralibéralisme économique et xénophobie rimaient forcément ensemble ?
CONCLUSION : CE QUE LES ÉTATS-UNIS MONTRENT DE NOTRE PROPRE DEVENIR
" Bientôt, la diversité, la mixité, apparaîtront comme la norme "
La France a très longtemps été le premier pays d'immigration en Europe. Aujourd'hui, de plus en plus, les candidats à l'immigration cherchent à " zapper la case France ", mais ils sont toujours plus nombreux à vouloir se rendre aux États-Unis. Pourquoi ? Parce que la France semble de plus en plus déphasée par rapport à la réalité du monde contemporain, parce que l'immigration continue d'y être systématiquement envisagée sous l'angle du " problème " à résoudre, quand ce n'est pas du fardeau, alors qu'aux États-Unis, où la " diversité " est désormais une notion hypervalorisée, l'immigration est perçue par une majorité de la société comme une " réalité " inéluctable et, pour peu qu'on s'en donne les moyens, comme une formidable " chance ". Basé sur la prépondérance du regard ethno-racial, le modèle américain d'intégration est pourtant loin d'être une panacée. Mais il est beaucoup plus adapté à l'ère moderne que le modèle français, déphasé et restrictif face aux mouvements de populations contemporains. Un modèle qui, parce qu'il réifie une supposée identité française immuable et récuse la possibilité des identités multiples, s'enfonce dans la crise, avec tous les risques de montée xénophobe qu'elle inclut.
Caractéristiques techniques
PAPIER | |
Éditeur(s) | Don Quichotte |
Auteur(s) | Sylvain Cypel |
Collection | Non fiction |
Parution | 06/10/2016 |
Nb. de pages | 336 |
Format | 14 x 21 |
Couverture | Broché |
Poids | 330g |
Intérieur | Noir et Blanc |
EAN13 | 9782359495515 |
ISBN13 | 978-2-35949-551-5 |
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