Résumé
Ma thèse* de 3ème cycle portait sur l'aspect crucial représenté par la compréhension, elle-même facilitée par la pratique approfondie des « raccourcis » du français parlé. Beaucoup de Français confondent « expression spontanée » et « langage familier » ; or il est prouvé dans ce manuel que la seconde est une CHIMÈRE ! L'opinion totalement erronée qui a cours depuis des siècles, veut que « raccourcir les mots est familier, voire vulgaire ». Voici un petite extrait du présent manuel...
Exemples : 1- « kaiss keu sai » est la prononciation tout à fait élégante de « qu'est-ce que c'est ». Tiens tiens tiens... mais la locution a été raccourcie ! Ne devrait-on pas prononcer « kai seu keu sai » ? "Qu'il est vulgaire de raccourcir !" pourraient objecter certains...
2- Contre-exemple : « si-i pouvait, il le frai » ne s'écrit-il pas « s'il pouvait, il le ferait » ?
3- Lanceriez-vous la pierre à la marquise de Trucmuche prononçant élégamment : « inn fok deu lo » pour « il ne faut que de l'eau » ? Et que dire alors du raccourci maximum « fok deu lo » ?
4- Il ne faut pas oublier qu'au 12ème siècle encore, on pouvait écrire dans la même phrase « que il » et « qu'il ».
QUELLE HORREUR !
D'ailleurs, les toutes premières formes courtes s'entendent à l'opéra, le français chanté étant pourtant une référence en termes d'esthétique ; pour ce faire, les compositeurs suppriment même des notes... Exemple : « Salut, demeure chaste et pure ! » qu'on ne peut chanter qu'ainsi « Salut, demeureu chastet pureu ! » Ou encore « Je crois entendre encore » devenant « Jeu crois entendren coreu ». Je n'ai jamais entendu quiconque dire que c'était du mauvais français...
Les étudiants étrangers ayant obtenu de bonnes notes au bac, en français, arrivent dans l'Hexagone et ont immédiatement envie d'en repartir tant ils sont frustrés de ne rien comprendre. Le fait est qu'ils entendront par exemple « fok deu lo ? » et ne sauront qu'en faire.
Ce manuel est destiné aux enseignants de FLE désireux d'armer leurs "ouailles", afin qu'elles ne vivent plus de telles drames... Voici comment il est procédé.
L'apprenant se familiarise d'abord avec une douzaine de règles touchant aux élisions des lettres E et au comportement du L ou du R, entre autres ; une fois qu'il les maîtrise, on lui donne une séquence du genre « il ne faisait que le petit revers » et il doit la prononcer « comme à l'opéra » c'est-à-dire de façon emphatique, à savoir « il neu feusait queu leu peutit reuvers ». Après avoir appliqué lesdites règles, il donnera à voix haute la première forme courte « inn feusaiK leuP tiR vers », avant de passer à la symptyxe, soit la forme comprimée maximum « iv zaiK leuP tiR vers ». C'est cette « vision dans l'espace » qui, à force d'entraînement, affinera son ouïe.
Cette façon de présenter la phonétique devrait exister parallèlement à l'enseignement classique, ce dès la première heure de français...
On en est encore fort loin, vu les coriaces idées reçues en matière de « ça ne se dit pas »... Mais bon, il n'est pas interdit d'espérer... En tout état de cause, les raccourcis ont toujours TRÈS MAUVAISE PRESSE, alors que la langue française est massacrée par l'establishment parisien depuis une dizaine d'années, sans que cela dérange quiconque... Allez, laissons les polémiques de côté et passons à l'aspect ludique de l'étude des formes courtes de l'expression spontanée : on connaît bien la prestance de la Tour Eiffel se tenant bien droite, on va apprendre à la transformer en accordéon-musette...
*Titre : « De l'intérêt, pour les apprenants en FLE, de maîtriser la symptyxe pour affiner la perception »