Résumé
L'infini : sans conteste l'une des notions les plus étranges, les plus fécondes voire les plus dangereuses que l'humanité ait inventée...Dès l'Antiquité, les philosophes s'en sont emparés et ont vu qu'en surgissaient d'étranges paradoxes : qui ne connaît celui de Zénon d'Élée, disciple de Parménide, montrant qu'Achille poursuivant une tortue partie avec 1 km d'avance ne l'atteindra jamais, bien qu'il coure deux fois plus vite qu'elle. Quand il a parcouru 1 km, n'aura-t-elle pas franchi 1km1/2 ? Et quand il y parviendra, la tortue aura fait 1km ½ + ¼ et ainsi de suite... Cherchez l'erreur !
Les philosophes et les mathématiciens ne sont pas les seuls, loin de là, à être troublés par la notion d'infini. Les cosmologistes aussi, qui s'interrogent sur l'Univers, en particulier depuis Einstein et la théorie de la relativité. L'Univers est-il fini ou infini ? S'il est fini, il doit avoir un bord, et que deviendrait une pierre lancée au-delà de cette limite ? Et qu'y aurait-il à l'extérieur ? Si l'on dit que l'Univers va durer infiniment, à jamais, que signifie réellement "à jamais" ? La vie peut-elle se perpétuer, sous une forme ou une autre, pour toujours ? Et qu'est-ce que cela impliquerait ? C'est à ces questions fondamentales et sans cesse renouvelées que les astrophysiciens, dont le métier est de sonder le ciel le plus loin possible, sont aujourd'hui confrontés. Car comment concilier les infinis avec les équations de la physique ? Comment résoudre ces dernières en manipulant un tel concept ?
Le professeur de Cambridge John Barrow n'oublie pas de rappeler que l'utilisation même de la notion a été condamnée par l'Église. Les théologiens y voyaient une offense à Dieu. Celui qui est, selon eux, "plus grand" que tous les autres infinis, illimité et sans bornes... Le célèbre mathématicien Cantor osa braver l'interdit et s'attaquer à la question au xixe siècle, et c'est à lui que reviennent certaines des pensées les plus profondes sur la notion d'infini. Hommage est ici rendu à cet esprit brillant qui sombra dans la folie.
L'auteur - John D. Barrow
John D. Barrow est professeur de mathématiques au département de mathématiques appliquées et de physique théorique de l'université de Cambridge (Royaume-Uni). Il est l'auteur, dans la collection "Pluriel", de Les origines de l'Univers.
Autres livres de John D. Barrow
Sommaire
CHAPITRE III
Du vécu à l'hôtel Infini
L'essence de l'infini est bien rendue par l'histoire de l'hôtel Infini attribuée au grand mathématicien allemand David Hilbert. C'était un excentrique à sa manière. Des anecdotes le concernant ont couru alors qu'il était encore en vie, un peu comme dans le cas du physicien anglais Paul Dirac, lui aussi un peu particulier. L'une d'elles raconte que l'un de ses étudiants se suicida après n'avoir pu résoudre un problème de maths difficile. Sa famille demanda à Hilbert de dire un mot aux funérailles. Devant le tombeau de son élève, il expliqua que le problème qui avait entraîné la mort du jeune homme n'était en fait pas très compliqué. Et d'ajouter que l'étudiant ne l'avait tout simplement pas abordé de la bonne manière.
Cela ne vous surprendra pas que les hôtels auxquels pensait Hilbert puissent être un peu curieux. Dans un établissement classique, il y a un nombre vraiment fini de chambres à un lit. Si elles sont toutes occupées, vous ne pouvez rester à l'hôtel à moins de faire partir un des clients. Quand c'est plein, c'est plein.
À l'hôtel Infini, c'est différent. Supposez que vous arriviez à la réception pour y apprendre que le nombre infini de chambres (numérotées 1, 2, 3, etc.) est occupé. L'accueil est perplexe, l'hôtel est plein, mais le directeur ne bronche pas. " Pas de problème, dit-il, mettez le client de la chambre 1 dans la 2, celui de la 2 dans la 3, et ainsi de suite pour toujours. Cela vous libère une chambre et tout le monde en a encore une. "
Vous êtes tellement content du service que vous revenez à l'hôtel dès que l'occasion se présente avec un nombre infini d'amis pour une dernière réunion. Là encore, le fameux hôtel est plein mais le directeur toujours aussi imperturbable. " Nous pouvons facilement recevoir une partie inattendue de l'infini, explique-t-il au réceptionniste un peu nerveux. " Et c'est ce qu'il fait, en déplaçant le clientde la chambre 1 dans la 2, celui de la 2 dans la 4, celui de la 3 dans la 6, et cela indéfiniment. Cela libère toutes les chambres paires. Il y en a un nombre infini et elles peuvent vous recevoir, vous et votre nombre infini d'amis, sans laisser quelqu'un dehors dans le froid. Inutile de dire que le service est un peu lent pour ceux qui ont un numéro de chambre élevé.
Le jour d'après, les clients mécontents des chambres paires décident tous de partir. Ils en ont assez d'être constamment déplacés par un directeur timbré et de passer leur temps à faire la queue pour tout.
Le directeur est du coup bouleversé que la moitié des chambres de son hôtel, toutes celles à numéro pair, soient désormais vides. Ils doivent donner des chiffres de remplissage de l'hôtel, et un taux d'occupation de 50 % est très mauvais. Il risque de fermer, à moins que les choses ne s'améliorent. En tant que voyageur expérimenté, vous commencez à avoir une idée de la manière dont l'hôtel fonctionne. Vous ne voulez pas qu'un établissement aussi flexible ferme, alors vous suggérez au directeur que les clients restants se rapprochent pour éliminer les chambres non occupées. Vous proposez de laisser le client de la 1 dans sa chambre mais que celui de la 3 passe dans la 2, de la 5 dans la 3, de la 7 dans la 4 et ainsi de suite. Il en résulte que toutes les chambres finissent par se retrouver occupées, même si aucun nouveau client n'est arrivé. Le directeur est aux anges.
Le jour suivant, il déprime à nouveau. Son hôtel fait partie d'une chaîne qui a un nombre infini de membres, chacun dans chaque galaxie de l'Univers lui aussi infini. Or la direction intergalactique n'a pas fait correctement son boulot et d'importantes fermetures (une " restructuration ") sont nécessaires.
Il explique que c'est pour lui à la fois une bonne et une mauvaise nouvelle. Bonne, parce que les chefs ont été tellement impressionnés par les récents efforts à l'hôtel Infini de recevoir des clients de dernièreminute qu'ils ont décidé que leur meilleure stratégie pour survivre financièrement sera de renvoyer tous les autres directeurs (économisant une somme infinie sur le poste des salaires) et de fermer tous les hôtels sauf le sien. Mauvaise, parce qu'un nombre infini de clients de chacun du nombre infini d'hôtels de la chaîne vont rappliquer vers son hôtel. Il doit donc trouver d'un coup des chambres pour l'afflux de clients d'une infinité d'autres hôtels ayant chacun une infinité de clients alors que son hôtel est déjà plein !
Le directeur débrouillard a commencé par trouver une chambre dans un hôtel complet pour un client supplémentaire, puis de la place pour un nombre infini de nouveaux clients et on lui demande maintenant de trouver encore de la place pour un nombre infini de groupes de voyage, chacun ayant un nombre infini de participants. Que faire ? Ils vont bientôt débarquer.
Tout le monde dans l'hôtel doit réfléchir au problème. Il y a beaucoup de suggestions délirantes, toutes vouées à l'échec, mais quelqu'un a une idée intéressante.
Pourquoi ne pas l'essayer ? Il faut laisser le client de la 1 dans sa chambre, déplacer celui de la 2 dans la 1001, de la 3 en 2001, de la 4 en 3001 et ainsi de suite. On peut maintenant mettre les clients qui arrivent de l'hôtel 2 dans les chambres 1002, 2002, 3002, etc. de notre hôtel Infini, ceux de l'hôtel 3 dans les chambres 1003, 2003, 3003, etc. Cela semble être une solution. Tout le monde pourra avoir une chambre et il y a un moyen défini de les attribuer. Puis le réceptionniste note une chose qui donne presque une attaque au directeur. Que va-t-il arriver aux clients de l'hôtel 1001 ? Ils ne peuvent aller nulle part puisque les clients des mille premiers hôtels de la chaîne auront occupé toutes les chambres. C'est retour à la case départ et un grand nombre de vaisseaux spatiaux se pointent déjà à l'horizon.
Quelqu'un suggère alors de mettre les clients de l'hôtel 1 dans les chambres 2, 4, 8, 16 et ainside suite, multipliant par 2 à chaque fois. Les clients de l'hôtel 2 seront dans les chambres 3, 9, 27, 81 et ainsi de suite en multipliant par 3 à chaque fois, et de même à l'infini. Mais le directeur s'aperçoit qu'il y a des chambres à problème qui se retrouveraient avec plusieurs clients, par exemple la 16 aurait le quatrième de l'hôtel 1 et le second du 3. Vous devez être sûr que le mode d'attribution envoie une seule personne par chambre. Il faut un moyen d'associer les deux nombres qui soit unique.
Un étudiant qui travaille aux cuisines et vient de terminer une année de maths propose d'utiliser les nombres premiers (2, 3, 5, 7, 11, 13, 17, 19, 23 ... dont il y a un nombre infini) parce que tout nombre entier peut s'exprimer comme le produit de facteurs premiers d'une seule manière. Par exemple, 8 = 2 x 2 x 2 et 21 = 3 x 7 et 35 = 7 x 5. Le directeur est intrigué. Il commence à se rappeler de vieux cours de maths. Il écoute avec attention, réfléchit avec soin puis fait une annonce à l'ensemble du personnel. Voici son plan : mettre le nombre infini de clients arrivant de l'hôtel 1 dans les chambres 2, 4, 8, 16, 32... ; ceux de l'hôtel 2 dans les chambres 5, 25, 125, 625... ; ceux de l'hôtel 4 dans les chambres 7, 49, 343... et ainsi de suite. Aucune chambre ne peut être attribuée plus d'une fois parce que si p et q sont des nombres premiers différents et que m et n sont des nombres entiers, pm ne sera jamais égal à qn.
En testant les choses, l'équipe remarque que l'on peut simplifier un peu le procédé d'attribution des chambres en ayant recours à une calculatrice de poche. Posez juste le nombre d'invités arrivant de la m ième chambre du n ième hotel dans la chambre numéro 2m x 3n ; par exemple le 6e invité du 4e hôtel va dans la chambre 26 x 34 = 64 x 81 = 5184. Aucune chambre ne pourra avoir deux occupants.
Pourtant, le directeur n'est toujours pas satisfait. Si l'on suit ce procédé, il y aura une foule
de chambres inoccupées ! (...)
Caractéristiques techniques
PAPIER | |
Éditeur(s) | Robert Laffont |
Auteur(s) | John D. Barrow |
Parution | 23/10/2008 |
Nb. de pages | 314 |
Format | 15.4 x 24.1 |
Couverture | Broché |
Poids | 488g |
EAN13 | 9782221109267 |
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