Résumé
En septembre 1973, le putsch militaire mettait un terme à trois années d'une expérience sans précédent. Pour la bourgeoisie chilienne comme pour les dirigeants des États-Unis, il fallait briser le rêve de Salvador Allende et de l'Unité populaire avant qu'il ne soit trop tard. Avant que le pouvoir populaire ne se développe encore plus...
Pourtant, de la période de l'Unité populaire chilienne (1970-1973), on ignore aujourd'hui en France à peu près tout. On semble ne vouloir connaître, la plupart du temps, que le nom de Salvador Allende, icône de la gauche devenue martyr avec le coup d'État et les années de répression massive qui suivirent. À rebours des idées reçues sur le Chili de ce temps, Venceremos propose un retour sur l'Unité populaire vue d'en bas, du point de vue de ceux qui la construisirent et la défendirent, au quotidien.
«C'est presque étrange de parler de tout cela aujourd'hui, cela m'apparaît parfois comme s'il s'agissait d'un rêve...», raconte Mario Olivares qui était à l'époque était ouvrier métallurgiste et délégué d'un cordon industriel. Il a effectivement vécu un rêve, un rêve éveillé, partagé par la gauche chilienne et mondiale. Quant à Hernan Ortega, président de la coordination des Cordons industriels de Santiago - organisations de base surgies en réaction à la grève patronale d'octobre 1972 -, il déclare : «Pour moi, comme pour tous les Chiliens, l'Unité populaire signifiait l'aspiration à une société distincte, plus démocratique, plus égalitaire, permettant aux travailleurs d'atteindre un développement plein et entier, pas seulement du point de vue économique, mais aussi de celui de l'épanouissement intégral de l'être humain.»
L'histoire des organismes de «pouvoir populaire» surgis durant le gouvernement de Salvador Allende reste largement méconnue. Et pourtant... Dans les quartiers pauvres et les usines, dans les organisations de ravitaillement, les comités de voisins, dans les Cordons industriels et les commandos communaux, un mot d'ordre résonnait avec toujours plus de force: «Pouvoir populaire».
Et ce pouvoir populaire se construisait, soutenant et critiquant tout à la fois le gouvernement de l'Unité populaire. Quels furent leurs projets politiques, leurs acquis et faiblesses, leurs débats et leurs mythes, leur organisation et leur ampleur ? C'est à ces questions que ce livre s'efforce de répondre en republiant toute une série de documents relatifs à ce pouvoir populaire. Une riche introduction contextualise et problématise cet épisode aussi essentiel que méconnu de l'histoire du Chili de Salvador Allende...
La lettre adressée par la coordination provinciale des Cordons industriels de Santiago au président de la République Salvador Allende, le 5 septembre 1973, se terminait ainsi : «Nous vous prévenons, camarade, avec tout le respect et la confiance que nous vous portons encore, que si vous ne réalisez pas le programme de l'Unité populaire, si vous ne confiez pas dans les masses, vous perdrez l'unique appui réel que vous possédez comme personne et comme gouvernant, et vous serez responsable de porter le pays, non à la guerre civile, qui est déjà en plein développement, mais à un massacre froid, planifié, de la classe ouvrière la plus consciente et la plus organisée d'Amérique latine.»