Résumé
La psychiatrie traverse une période terrible à la fois pour les patients et leurs familles et pour les soignants qui les accueillent. Les moyens nécessaires pour ce faire sont dérisoires, les discours des politiques sont accablants de désinvolture et de cynisme, les dérives idéologiques prônant telle ou telle méthode miracle font florès, et la prescription de psychotropes visant à résoudre la souffrance psychique de nos contemporains est en augmentation constante, ainsi que le nombre des contentions et des portes fermées dans les services de psychiatrie. Dans le contexte actuel de renforcement de toutes les attitudes sécuritaires, notamment en psychiatrie, de disqualification des pratiques psychothérapiques, et surtout de celles qui sont directement inspirées de la psychanalyse, l'appel lancé par les acteurs du mouvement de psychothérapie institutionnelle a comme objectif de redonner place à l'assomption d'une position désirante dans le travail des soins psychiques, à la liberté de circulation de la parole et des personnes, à la créativité et à l'invention de costumes thérapeutiques « sur mesure » pour chaque patient, à l'autogestion relative des « outils de production » du soin psychiatrique, en appui sur des pratiques éthiques sous tendues par des théorisations nécessaires pour exercer une psychiatrie sécure. Si les mesures prises pour quelques personnes en délicatesse avec la loi, que leur psychopathologie conduit à de pénibles extrémités, y compris la possibilité d'un acte antisocial, deviennent la position dominante imposée aux acteurs de la psychiatrie, alors ces conditions minimales que la psychothérapie institutionnelle présente comme autant d'outils à développer, n'étant pas réunies, c'est toute la psychiatrie qui deviendra sécuritaire. Nous avons besoin d'une psychiatrie sécure et non d'une psychiatrie sécuritaire. Du fait de la très grande fréquence des maladies mentales, les acteurs de la psychiatrie ne peuvent tolérer que, pour des raisons démagogiques, le cadre de leur exercice soit à nouveau renvoyé, de fait, au modèle asilaire, quand le dispositif de la psychiatrie de secteur fécondé par les méthodes de psychothérapie institutionnelle avait montré ses avancées de façon décisive. Nous ne pouvons accepter une telle régression de la pensée, et devons oeuvrer pour faire comprendre à nos décideurs que l'enfermement est contraire aux grands principes de notre démocratie. Ou alors, le passage à une sorte de pseudodémocratie de type médiatique a fait perdre de vue aux citoyens et à leurs représentants la pertinence de cette phrase mythique : on juge de l'état d'une société à la manière dont elle considère ses prisonniers et ses malades mentaux. La psychothérapie institutionnelle avait montré comment faire pour en améliorer notablement l'art et la manière. Cet ouvrage reprend les principaux concepts (fonction d'accueil, transfert dissocié, concept de réunion, hiérarchie subjectale, double aliénation, rapports complémentaires, constellation transférentielle, fonction phorique) de ce mouvement libérateur de la psychiatrie, aussi bien ceux qui sont issus de la psychopathologie transférentielle que ceux qui s'originent dans le socio-politique. D'où l'urgence pour la psychothérapie institutionnelle de lever à nouveau l'étendard de la résistance à la déconstruction d'une psychiatrie humaine et d'entreprendre la reconquête des équipes qui souhaitent la pratiquer. Les patients, leurs familles et les professionnels engagés dans cette aventure ne pourront se contenter indéfiniment d'une approche vétérinaire (sans paroles intersubjectives) de la souffrance psychique.