Résumé
Après la publication de La pierre de lune (1956) et de La jeune fille et le fugitif (1980), c'est, avec le présent livre, toute l'oeuvre romanesque de Landolfi qui se trouve désormais accessible aux lecteurs de langue française. Anne vivait à la campagne avec son père, son frère Sigismond poursuivant des études à la ville. À la mort du père, les deux jeunes gens, qui se connaissaient mal, se retrouvent dans la maison natale. Oisifs, héritiers d'une fortune respectable, "fils de roi" à leur manière, ils commencent à découvrir leurs affinités, leurs exigences et leurs dégoûts communs, en même temps que la distance qui les sépare des autres, en particulier de ceux auxquels ils avaient cru pouvoir, pour faire comme tout le monde, se fiancer. Ils vont bientôt, l'un après l'autre, non sans rudesse, rompre ces liens qu'ils méprisent et, "libres et purs", n'ayant plus à nourrir que l'un de l'autre leurs impatiences, affronter "l'inconnu qui les menace" désormais, et à quoi ils viennent de sacrifier confort et sagesse. Entre eux se développe alors au long des jours, lui menant le jeu, emporté, impérieux, sophistiqué en même temps qu'incertain, elle plus réservée, ironique, et non moins incertaine, un long dialogue toujours relancé, de plus en plus pressant, qui la forcera un jour à avouer lucidement qu'elle ne voit, en effet, comme il l'affirme avec fougue, "aucune raison pour laquelle ils ne devraient pas s'aimer". La nuit même, par un sublime temps d'orage, s'accomplit l'inceste. Ce sera ensuite, vingt ans durant, la tentative pour vivre à deux "une vie capable d'ignorer la faute", jusqu'au moment où commence le récit qu'entreprend d'écrire Anne et auquel elle associe son frère-époux en le lui dictant en partie. Dans l'étude qu'il a consacrée à l'oeuvre de Landolfi et qui fut publiée en préface aux nouvelles de La femme de Gogol, André Pieyre de Mandiargues écrit d'Un amour de notre temps : "C'est [...] du côté des Hauts de Hurlevent que se tient Landolfi dans son magnifique roman d'amour noir, et la brutalité ou la crudité avec lesquelles
le sujet est traité parfois n'ont d'égales que la noblesse de ton et que la hauteur héroïques des caractères. Un amour de notre temps est une sorte de déchaînement élémentaire à rapprocher de la Penthésilée de Kleist [...] par le goût des extrémités, par l'aptitude au délire lucide et par la complaisance du désespoir."