Résumé
Né à Moscou le 29 août 1938, Vladimir Kazakov a eu une vie aventureuse. Il termine le lycée en 1955. Fréquente une école militaire d'où il est expulsé
en 1956. Il entre ensuite à l'Université, d'où il est à nouveau expulsé en 1958. Pendant les quatre années suivantes, il travaille à Kolyma, au nord-est de la
Russie connu pour son goulag et ceux qui s'y sont retrouvés, à l'instar de Varlam Chalamov... Il est tour à tour orpailleur, bûcheron, enseignant chez les
nomades tchouktches, charpentier, soutier, marin, etc.
De retour à Moscou, il erre un certain temps dans les rues. Devient joueur de cartes professionnel... En 1965, il commence à écrire ; l'année suivante,
il fait la connaissance du poète avant-gardiste Andreï Kroutchenykh, lequel aura sur lui une influence incontestable. C'est alors qu'il se consacre entièrement à l'écriture (poésie, prose, théâtre). Il meurt à Moscou en 1988.
Ses écrits paraissent clandestinement (samizdat), avant de circuler, à partir de 1971, en Occident, et tout particulièrement en Allemagne. "Théorie du
monologue" paraît en 1982 (in le recueil "Vie de la prose", dans une édition allemande de langue russe comprenant des proses de la première moitié des
années 1970...
L'œuvre de Vladimir Kazakov poursuit à sa manière les efforts artistiquesdes futuristes et des Obérious. Il est notamment à rapprocher de Alexandre
Vvedensky, mais aussi, pour une certaine mise en scène de l'intime comme dans ce texte, de Guennadi Aïgui et de Sasha Sokolov dans son obsession
narrative...
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"Théorie du monologue" peut d'abord surprendre par son titre en rapport à son contenu : 35 lettres d'amour adressées à une femme, entre décembre
1973 et juin 1974, sans que ses réponses à elle nous soient données. D'où toutefois l'indication que ce titre nous convie de recevoir, grave et ironique.
Cependant qu'à lire ces lettres une à une, nous devons bien comprendre que réponses et lettres de la part d'Irina, la femme aimée, lui ont bien été transmises. Cependant encore il se pourrait qu'il se le soit imaginé...
Livre d'amour alors, et amour que l'on aurait à juste titre droit de qualifier, tout comme chez Breton, de « fou ». Folie paraissant se préciser au fur et à mesure des lettres à la croisée des mots, à compter qu'il n'y a pas de véritable amour qui ne le soit pas, « fou » en miroir de ce que de l'être aimé nous recevons,
toutes choses mises en rapport selon une synesthésie (dans des « lignes » de pluie, des rayons de lumière...) qui l'amplifie.
C'est que ce livre démontre (et démonte) en ces lettres un rapport qui ne se peut théorisé que sous une forme inattendue à laquelle Vladimir Kazakov,
coutumier des déplacements, se prête, traversant l'angoisse.