Résumé
Un souverain a rarement été exécré et maudit, aimé et admiré, comme Tamerlan (1336-1405). Il n'existe sans doute pas d'autre figure historique qui soit si pleine de contradictions. Tamerlan est, avec Gengis-khan, son modèle, l'homme le plus extraordinaire qu'ait produit l'Orient depuis la chute de l'Empire romain. Selon la tradition, fort contestable, il descendrait de Gengis-khan. Taragaï, son père, chef de la tribu des Barlas, appartient à cette féodalité turque de Transoxiane qui s'était peu à peu rendue indépendante des khans mongols. Lorsque le khan du Mogholistan, Tughlug Temür, conquiert la Transoxiane, il laisse comme vice-roi à Samarkand son fils Ilyas Khodja. Celui-ci voit, à tort, en Tamerlan un fidèle vassal et le choisit comme principal ministre. Mais le fils de Taragaï rompt bientôt avec lui et, après des combats aux fortunes diverses, le chasse de la Transoxiane avec l'aide de son beau-frère Mir Husaïn. Tamerlan, après avoir fait assassiner Mir Husaïn qui lui disputait le pays, se proclame khan. Musulman fanatique nourri du Coran, il combat sous la bannière du Prophète. Cultivé, amateur de littérature persane et d'art, il ne cesse cependant, toute sa vie, de massacrer et de piller, n'épargnant pas plus les musulmans que les chrétiens ou les païens. De 1370 à 1404, en trente-cinq années de campagnes, il va bouleverser l'Asie intérieure sans jamais connaître la défaite. Il commet partout d'effroyables ravages, fait élever à l'entrée des villes qui ont tenté de lui résister des pyramides de têtes, de mains et de pieds coupés. S'étant rendu maître de Kharezm, du Mogholistan et de la Perse, il intervient dès 1380 dans les conflits de succession en Russie en accordant sa protection à Toktamich et en l'aidant à conquérir le trône. Peu après, menacé par son protégé qui envahit l'Azerbaïdjan et la Transoxiane, Tamerlan riposte par une invasion foudroyante de la Russie mongole. En 1398, il se tourne vers le sous-continent indien, remporte sur Mahmud Chah II la victoire de Panipat et saccage Delhi qui mettra plus d'un siècle à se relever. En 1400, il part pour l'Asie Mineure puis, infléchissant sa marche, attaque les Mamelouks, maîtres de la Syrie et de l'Égypte : Alep et Damas sont ravagées et pillées ; dans Bagdad, enlevée l'année suivante, quelque 90 000 habitants sont massacrés et presque tous les monuments détruits. Puis Tamerlan passe en Anatolie où il se heurte aux Ottomans : vainqueur du sultan Bayezid Ier Yldirim, il atteint les rivages de la mer Égée. Il va entreprendre une ultime campagne contre la Chine lorsqu'il meurt en chemin, le 19 janvier 1405. Avec lui s'achève le temps où ces incroyables cavaliers nomades armés d'arcs et de flèches imposaient leur foi dans toute l'Eurasie.