Résumé
Sur le seuil, aux prises avec la plasticité, je ne pouvais que constater l'affaiblissement du schème linguistico-graphique de notre musique occidentale. Il n'y avait plus aucun doute que la plasticité était rentrée par des effractions multiples dans notre tradition européenne de l'écriture du sonore et du musical. Lorsque cette écriture cessait d'écrire, et se faisait de déplacements, de décalages, de modifications, de mutations et de métamorphoses, le sonore et le musical basculaient du côté du plassein. Rappelant certainement que l'une des effractions de la plasticité, comme changement radical de nos régimes d'écoute à venir, s'était faite de l'écriture du son dans le plastikos : la cire. Et tout le projet de cet ouvrage consiste à repérer ces au-delà de l'écriture, qui suppléent à la grammaire de la musique occidentale, et qui proposent de nouveaux champs exploratoires de l'écriture du sonore et du musical, largement entamés par les artistes sonores et les compositeurs du XXe siècle mais dont la cartographie nécessaire permettra à n'en pas douter de retourner à l'atelier. Ainsi toute cette nouvelle cosmogonie qui est contenue dans la plasticité même apparaît, dans certaines pratiques de cette autre musique possible, un modèle de cosmopolitique possible. La plasticité pense son milieu, la plasticité accueille tous les étants, la plasticité, indocile, remet sur le chantier les modalités d'habitabilité du monde. Elle n'écrit rien dans le marbre, elle « parfile » toutes les sphères fermées, auto-immunes d'une globalisation généralisée et régulée par les finances, conditionnant un monde sensible formaté, une esthétique colonisante, entêtante, possédante, régulant notre rapport au cosmos, au socius et à l'intime. Bref, ces effractions de la plasticité sur la table de travail de l'artiste sonore contemporain, comme autant d'infractions aux règles de l'écriture musicale occidentale, sont aussi les lignes de fuites d'un autre monde sensible possible.