C'est à Yalta en 1922 que Serge Boulgakov composa Sous les remparts de Chersonèse, dialogue qu'il choisit de ne pas publier et qui restera dans les archives de l'Institut Saint Serge, à Paris jusqu'en 1991. La thèse principale de l'auteur est que l'écroulement de la Russie et de l'Eglise russe qui a suivi la Révolution est la conséquence lointaine du baptême que la Russie, en la personne du prince Vladimir, reçut à Chersonèse de la main des Byzantins en 988, alors que Rome et Constantinople s'acheminaient déjà vers la séparation. Devant cette situation Serge Boulgakov ne voit pas d'autre issue pour la Russie que de reconnaître la validité des décisions du concile de Florence (1439), où les Eglises d'Orient et d'Occident, légitimement représentées, proclamèrent solennellement leur réunion. Arrivé en Occident, Boulgakov, qui, pendant deux ans, mentionnera secrètement le pape en célébrant la liturgie, se rendra compte des difficultés de la tâche de rapprochement des deux Eglises et finira par rejeter la thèse des Remparts de Chersonèse. Par sa puissance et son recul, la réflexion historique et ecclésiologique de Boulgakov permet de comprendre en profondeur des aspects importants d'événements qui touchent actuellement la Russie et son Eglise.
Serge Boulgakov (1871-1944). L'un des représentants les plus importants de la philosophie religieuse russe du 20e siècle. Fils de prêtre, il abandonne le séminaire pour l'étude des questions sociales et économiques. La découverte de l'oeuvre de Vladimir Soloviev l'arrache à l'influence du marxisme. A partir de 1906, il siège à la deuxième Douma dans les rangs du parti démocrate-constitutionnel. En 1917, il participe au concile de l'Eglise russe et est ordonné prêtre en 1918. Après la Révolution, il se réfugie à Yalta, dont il est chassé en 1923 pour Constantinople, Prague et Paris où il fondera, en 1925, l'Institut de théologie orthodoxe, toujours en activité.