Résumé
Le GRÉNOC en est à sa cinquième année d'existence et de travaux, qui lui permettent, une fois de plus, de publier le Littoral, édition 2009. L'aventure de recherche dans laquelle se plongeaient ses collaborateurs en 2005 se précise et se confirme: l'intuition qu'avait eue Pierre Rouxel était juste, puisqu'il y avait effectivement, dans ces textes qui parlaient de la Côte-Nord, maints sujets de réflexion, d'étude et d'analyse. Sans que nous les ayons vues venir, il appert que des hypothèses tendent à se confirmer, que des conclusions commencent à s'élaborer et que des pistes nouvelles se dessinent. Les membres du GRÉNOC deviennent, peu à peu, d'abord par curiosité, ensuite par intérêt et, finalement, par souci de trouver des réponses, des spécialistes d'une littérature régionale, mais non moins originale, fascinante et signifiante. Mais pour qui? N'existe-t-elle que pour eux, les chercheurs du GRÉNOC? Si c'était le cas, l'aventure n'en vaudrait pas vraiment la peine. Ce corpus mis au jour, c'est aussi et peut-être même d'abord pour les lecteurs qu'il doit l'être. Ceux-ci, d'ailleurs, sollicitent de plus en plus les membres du groupe de recherche pour savoir quels textes nord-côtiers doivent être lus. Quels sont les textes les plus représentatifs de l'écriture nord-côtière? Par quels titres doit-on passer pour parcourir la Côte-Nord imaginaire? Y a-t-il des classiques dans ce corpus? Et, si oui, lesquels?La question des classiques en littérature en est une qui retient l'attention des chercheurs en littérature. Elle peut être attachée à tout un corpus, ou à une époque en particulier. Dans notre cas, celui du corpus nord-côtier, y a-t-il des titres qui se démarquent, des ouvrages ou des textes que l'on pourrait d'emblée qualifier de classiques? L'ensemble des textes nord-côtiers, d'au moins quelques centaines, permettrait de poser la question. Si le nombre le justifie, la qualité, elle, est-elle toujours au rendez-vous? Pour être honnête, il faut répondre non à cette question. Mais les travaux critiques du GRÉNOC ne sont pas de cet ordre: on ne cherche pas à dénicher les textes les mieux écrits ou les plus riches; on tente plutôt d'identifier les propos, les images, les obsessions, les leitmotivs et les impressions à l'oeuvre dans ces textes. Par contre, il se trouve dans cet ensemble des textes dont la qualité ne se discute pas, ne se discute plus: Jacques Cartier consignant ses impressions, Marguerite de Navarre et Anne Hébert relatant l'histoire de Marguerite de Roberval, Gilles Vigneault chantant les souvenirs d'une Côte éternelle ou Nicolas Dickner racontant les aventures de descendants de pirates acadiens à Tête- à-la-Baleine, voilà des exemples d'auteurs et de textes qui ont retenu l'attention des lecteurs, des critiques, des chercheurs et des éditeurs et qui, croyons-nous, devraient passer l'épreuve du temps. Mais limiter la liste des classiques nord-côtiers à ces quelques textes ne serait-il pas trop restrictif? Et nous n'avons abordé que le volet francophone de notre corpus. Qu'en est-il des textes et auteurs de langue anglaise, de culture innue ou décrivant la réalité nordique? Doit-on les inclure à tout prix dans un répertoire des plus grands textes nord-côtiers, alors que le décompte des titres est beaucoup plus restreint? La lutte est alors peut-être perdue d'avance. Ou bien, si l'on se réfère aux textes typiquement nordiques, peut-on appliquer les mêmes critères que ceux que l'on appliquerait au corpus côtier? Voilà autant de questions qui méritent examen et qui soulèvent autant de réponses.En fait, notre entreprise d'exploration et de relecture sert aussi à la découverte de textes moins connus. S'ils le sont, c'est parfois qu'ils ont été mal servis par leur époque, par l'idéologie dominante ou par leur diffusion. Mais il peut y avoir là des textes d'intérêt! Par ailleurs, est-ce à dire que des textes moins littéraires ou qui présentent des faiblesses stylistiques méritent de ne pas être considérés ou conseillés? Encore là, il faut être prudent. L'intérêt du public a parfois peu à voir avec les considérations formelles. Et certains de ces textes peut-être maladroits - pensons au roman de Pascal Millet, Tropiques Nord dont il est question dans le présent numéro - peuvent tout de même offrir un intérêt au chercheur qui s'intéresse surtout à la représentation et ainsi devenir des classiques par leur propos original, même si l'écriture l'est moins. Ainsi, quels seraient les critères qui permettraient d'établir une liste de ces classiques nord-côtiers?En fait, on peut croire qu'il serait injuste d'user des mêmes indices de sélection pour le critère nord-côtier que pour le corpus littéraire québécois. Plus restreinte dans son ensemble, l'écriture nord-côtière n'offre pas la même diversité ni la même originalité, du moins en apparence. Par ailleurs, on ne fréquente pas le corpus nord-côtier avec la même intention que le corpus québécois ou français: l'horizon d'attente n'est pas le même. Quand on fréquente sciemment le corpus nord-côtier, c'est en principe parce qu'on est prédisposé à une lecture qui nous parlera de ces espaces, de ces épreuves et de ces expériences propres à la Côte et/ou au Nord. Enfin, les concepts de littératures nord-côtière et québécoise sont bien différents: dans un cas, on a affaire à un ensemble d'écritures dont les thèmes et les référents spatiaux sont déjà circonscrits, alors que dans l'autre, des oeuvres, des auteurs et des institutions ont permis de définir un corpus qui rend compte de l'histoire, des idées, de la sensibilité et des obsessions d'un peuple. On peut ainsi, après examen, croire que le traitement des référents nord-côtiers, que l'originalité ou l'exemplarité des événements typiquement nord-côtiers, que la sensibilité aux réalités nord-côtières sont tout autant de balises qui pourraient guider notre choix d'une liste des meilleurs opus.Pour cela, il faut des textes inspirants d'auteurs inspirés par un espace unique. Il faut des éditeurs qui croient en ces auteurs. Et nous sommes là, chercheurs collaborant au GRÉNOC, pour parler de ces textes et peut-être même pour suggérer à nos lecteurs, d'ici quelques numéros, les textes les plus marquants, à côté desquels il serait difficile de passer pour qui s'intéresse à la Côte et à sa mise en mots. Mais d'abord et avant tout, cette chose réelle et de plus en plus légitimée qu'est la littérature nord-côtière, celle dont nous tentons d'étudier les caractéristiques depuis cinq ans, eh bien, elle est le fait de lecteurs. Et c'est peut-être à vous que reviendrait l'honneur de nous préciser quels sont les auteurs ou titres nord-côtiers qui vous ont marqués. Ainsi, il nous sera possible de peut-être mieux saisir certains des enjeux de l'ensemble des textes que nous connaissons ou qu'il nous reste à découvrir...