Résumé
Le présent numéro de la revue Littoral ouvre une période nouvelle, qui vise à renforcer le mandat du Groupe de recherche sur l'écriture nord-côtière (GRÉNOC) et à assurer la pérennité de ce dernier. Depuis maintenant presque 20 ans, Littoral et le GRÉNOC étudient, mettent en valeur et font découvrir la richesse et les particularités des écrits nord-côtiers; tous deux jouent un rôle littéraire et culturel mais aussi social, puisque la prise de conscience de la qualité de ce patrimoine écrit contribue à l'attachement à notre région.Les lecteurs et lectrices découvriront dans ce numéro une partie des changements en cours: une nouvelle section d'actualités qui témoigne de la vie littéraire régionale; une bibliographie qui présente les parutions récentes; une maquette graphique renouvelée, plus lisible et dégagée; toujours des inédits, des articles d'analyse, des témoignages et des entrevues; un dossier central sur un sujet transversal des écrits de la Côte-Nord - cette fois, sur les écrits militants des Événements de Sept-Îles de 1972. Derrière ces changements éditoriaux se trouvent d'autres nouveautés dans l'organisation de la revue, qui permettent de donner un nouvel élan à Littoral et d'en inscrire l'action au sein d'un imaginaire nordique plus large. Tout en continuant à suivre avec intérêt l'évolution des textes innus, comme la revue le fait depuis ses débuts, nous souhaitons aussi tracer des liens avec les autres territoires du Nord qui nous entourent: le Labrador, Terre-Neuve, Saint-Pierre-et-Miquelon, voire l'Islande, les Îles Féroé, la Norvège et le Groenland. Les particularités de la Côte-Nord renvoient à celles de ces territoires, souvent méconnus, mais qui ont des sensibilités, des problématiques, des valeurs et des caractéristiques semblables.Ce numéro marque également la formalisation d'une nouvelle coopération, naturelle tant la convergence des objectifs et des pratiques entre les deux partenaires se ressemblent, celle entre le GRÉNOC au Cégep de Sept-Îles et le Laboratoire international de recherche sur l'imaginaire du Nord, de l'hiver et de l'Arctique, dirigé par Daniel Chartier à l'Université du Québec à Montréal. Collaborateurs informels depuis maintenant presque 20 ans, les deux organismes travailleront désormais de manière plus directe, chacun bénéficiant des expertises de l'autre: l'ancrage unique du GRÉNOC sur la Côte-Nord et le rayonnement international du Laboratoire permettront de donner à l'un et à l'autre une nouvelle force. Cette coopération se manifeste notamment par une codirection à la revue, assurée par Pierre Rouxel et Daniel Chartier, ainsi que par la création d'un poste de secrétaire de rédaction, occupé par Catherine Vaudry. Cette association s'accompagne aussi d'une volonté de renforcer les liens avec les partenaires littéraires et culturels régionaux, par exemple le Salon du livre de la Côte-Nord, l'Institut Tshakapesh et les Archives nationales à Sept-Îles.On trouvera donc dans ce numéro 17 une revue Littoral fidèle à ce qu'elle a toujours été, autant dans son contenu que dans ses ambitions. Littoral a toujours voulu miser en même temps sur «la diversité» et «le rassemblement». La Côte-Nord, présente à des degrés divers dans les textes étudiés aussi bien que dans les articles que vous pourrez découvrir ici, nous laisse-t-elle vraiment le choix? La Côte-Nord, vue de loin, c'est d'abord bien sûr sa situation géographique, du point de vue québécois plus au nord et plus à l'est, ainsi qu'une impressionnante vastitude... Du point de vue plus général du Nord, on voit la Côte-Nord comme l'entrée nordique du continent nord-américain, mais aussi comme un territoire du Nord atlantique en voisinage avec les Innus, les Inuits, les Norvégiens, les Terre-Neuviens et les Islandais. Mais, vue de plus près, la Côte-Nord est davantage un agglomérat : d'une série de ressemblances, mais surtout de différences et de singularités... qui se côtoient, ou se croisent, ou se chevauchent, ou fraternisent, ou s'ignorent... Ainsi s'impose la Côte-Nord aux visiteurs, aux créateurs, aux chercheurs, aux lecteurs. Ce numéro 17 mise, à l'image de la Côte-Nord, sur «la diversité» et «le rassemblement», tout en restant en tout fidèle à son référent.Le temps de l'écriture nord-côtière est un «temps long», et l'on pourra justement lire ici des articles sur des textes de diverses époques. C'est près d'une vingtaine d'oeuvres et d'auteurs et autrices dont il sera question, qui proposent des formes d'écriture particulières, certaines canoniques ou d'autres moins, avec, évidemment, des thématiques souvent différentes. Faut-il préciser que tant les textes commentés que leurs auteurs et autrices nous renvoient aux trois cultures et aux trois écritures de la Côte-Nord, innue, d'expression française et d'expression anglaise?Et qu'en est-il du territoire? On sera ici en Haute-Côte-Nord, là en Moyenne-Côte-Nord... Toutefois, c'est peut-être la Basse-Côte-Nord qui s'impose cette fois-ci. On doit encore pour s'y rendre prendre le bateau - ce qu'a fait la poète Noémie Pomerleau-Cloutier. Mais attention aux îles et aux archipels! nous signale un article, qui nous dit en même temps que nous connaissons encore mal le lointain littoral plus à l'est et que, plus largement, bien des espaces nord-côtiers sont encore à «représenter» dans l'écriture. Et à ceux et celles qui écrivent de nouveaux textes, pas encore publiés, Littoral offre, comme d'habitude, un espace pour des inédits. Solidaire de tout ce qui se fait sur le plan culturel sur la Côte, notre revue se veut aussi attentive à certains événements heureux ou tristes qui marquent la vie nord-côtière: elle se réjouit de voir le Salon du livre de la Côte-Nord célébrer, chaque année, le livre et la littérature, qu'ils soient d'ici ou d'ailleurs, et de souligner, avec le nouveau prix littéraire Myriam-Caron,une des productions nord-côtières récentes. Littoral a tenu aussi, cette année, à souligner deux départs : elle rend hommage à José Mailhot, qui a tant fait pour que la culture innue rayonne davantage, et à Guy Côté, animateur hors pair de la vie culturelle de notre région.Ce qui s'impose cependant dans la table des matières, c'est un ensemble d'articles qui évoquent tous, de manières différentes, les écrits liés aux Événements de Sept-Îles de 1972, qui se sont déroulés lors d'un printemps qui vit s'organiser au Québec le premier Front commun inter-syndical. Sur la Côte-Nord, et à Sept-Îles surtout, on se souvient encore, forcément, d'une finale inattendue et tragique. Sur ces Événements, on a écrit des textes divers. C'était en 1972, il y a 50 ans donc. Littoral a voulu souligner cet anniversaire en allant, fidèle en cela à sa mission, revisiter les écritures qui évoquent ces moments forts de la vie québécoise et, surtout, nord-côtière. Le chercheur Jacques L. Boucher a piloté le dossier. On pourra y lire des textes d'analyse, mais aussi une série de témoignages qui attestent tous de l'effet de ce qui a été vécu alors et qui, souvent, a été déterminant dans la vie future des locuteurs et locutrices et dans leurs engagements. Sur cette même question des Événements de Sept-Îles, un texte se penche sur les origines de l'écriture militante et, dans une perspective historique, sur la veine militante dans un certain nombre d'écrits nord-côtiers très anciens ou plus récents. Un article écrit par deux jeunes cinéastes propose quant à lui une autre lecture, une autre analyse de ce 50e anniversaire.Avant de clore cet éditorial, revenons sur ces deux dimensions de la «diversité» et du «rassemblement». Littoral, dans un même espace et dans un même projet, réunit des collaborateurs - près d'une quarantaine! - de divers endroits de la Côte-Nord, et de différents endroits du Québec. Certains, chercheurs réputés, ont beaucoup écrit, alors que d'autres s'aventurent ici dans l'écriture. À toutes ces personnes ainsi qu'à tous ses lecteurs et toutes ses lectrices, rassemblés ici par Littoral, le GRÉNOC dit merci, et bonne lecture!Daniel Chartier et Pierre Rouxel