Résumé
Il est impossible de théoriser « le » politique, tant dans ses définitions abstraites que dans les formes concrètes de la politique, sans s'appuyer sur sa théologie et plus précisément sur sa « théologie politique », dont les formes actuelles et les réaménagements ne peuvent à leur tour être évalués sans faire référence aux médias technologiques, d'hier et d'aujourd'hui. C'est particulièrement flagrant dans les diverses manières dont la violence, la violence phénoménale et politique, la violence gratuite comme celle des guerres dites « justes », se légitime en se raccrochant à des raisons et des motivations qui restent transcendantes et excèdent toute cause possible. Ce constat informe l'hypothèse centrale du présent ouvrage : pas de violence, injuste ou apparemment juste, sans religion pas de religion sans une certaine violence empirique ou symbolique, ni sans cette violence que l'on peut qualifier de « transcendantale ». En empruntant la voie ouverte par Derrida dans ses lectures de Kant notamment, cette étude montre que la marque la plus profonde de la tradition occidentale est moins à chercher dans la dogmatique théologique et l'éthique, l'esthétique et la pratique rituelle, que dans l'exposition sans cesse réitérée à et d'un « horror religiosus », et entend proposer une interprétation de ce que, à présent, cela peut précisément vouloir dire. -- It is impossible de theorize 'politics', whether in its abstract definitions or in the concrete sense of politics, without referring to theology, and more precisely, to 'political theology', whose contemporary forms and arrangements cannot be evaluated without referring to the technological media of today and yesterday. This is especially flagrant in the various ways in which violence, phenomenal, political and pointless violence as in so-called 'just' wars, becomes legitimate by producing reasons and motivations that remain transcendent and surpass all possible causes. This observation underpins the central hypothesis of this book: no violence, unjust or apparently just, without religion no religion without a certain empirical or symbolic violence, or without the violence which we might call 'transcendental'. By following the path opened by Derrida, notably in his readings of Kant, this study shows that the deepest mark of Western tradition is less to be sought in theological and ethical dogma, and ritual practice, than in the endlessly repeated exposition to and of "horror religious". The author proposes an interpretation of exactly what, at present, that can mean.