Résumé
Un Rêve d'Hiver
Le Sacre de l'Hiver
Je ne suis qu'une ombre, la plus fragile de l'hiver, mais je suis une ombre qui pense. Il est inutile à la nuit froide de s'épaissir pour m'évincer ; un souvenir, un souffle d'air, me suffit pour pleurer. Mais, quand la nuit m'oblitérerait, je me ferais plus vivace encore que ce qui m'oublie, puisque je sais me rappeler et l'empire que l'hiver a sur moi. L'hiver s'en fiche.
Je suis un dragon pensant.
J'offre mon visage écailleux à la glaçure.
Les étoiles floconnent alors que je m'élance à leur poursuite.
La nuit est belle sur la Vallée, et mon émotion grandit alors qu'affluent l'encre et l'odeur des mots. Tout ce qui a été bâti, en une année si brève, en un seul cycle de saisons, qui s'apprête maintenant à mourir pour laisser sa place au renouveau, m'emplit d'une fierté toute particulière. Comme l'orfèvre, je ne vois pas le bijou mais plutôt le labeur, ce qui n'occulte en rien son éclat précieux.
S'étalent sous mes ailes déployées des terres désormais connues et familiarisées. Chaque parcelle m'en reste néanmoins étrangère, au sens de l'appel de la curiosité des pages, parce que, chaque fois que mes yeux les effleurent, surgissent des sens nouveaux, qui viennent s'adjoindre aux souvenirs que j'ai déjà thésaurisés. Là, je devine d'harmonieux contours arborés, comme un reflet de fumée à travers les songes, ici, c'est la mousse et la brume qui me parlent de cœurs qui scandent, là encore, les fleurs qui s'ébattent entre elles. Je me remémore d'autres vies, entrecoupées de félins sourires, des amours douces et plurielles le long d'un fleuve, la nature qui s'exalte, le sang des dieux et l'ambroisie qui coulent pour se mélanger au vinaigre du bocal à cornichons. J'ai l'espoir de revoir ce vent de confiance qui fit briller mes pensées, et d'égrener encore les sables de ces rêves bariolés. Les graines se répandront et germineront. L'océan se retirera, encore et encore, et le sac et le ressac me feront penser à ce bruit de petits bols qu'on entrechoque, à des conversations en brouhaha, à des larmes de douleur mêlée de joie. Puis viendra enfin le calme, auprès d'une famille aimante, le temps d'un soupir qui se perdra dans l'âme des pierres gorgées de deux soleils, et saura se muer en l'espérance d'un feu. Ce feu, c'est vous toustes. Vous, qui faites ma fierté.
Vous. Qui emplissez mon cœur draconique de bonheur.
Vous. Le Dracorhize Dendritique de la Vallée des Mots.
Vous êtes les âmes multiples de ces lieux que j'aime, et je veux, en cette nuit d'hiver, sombre et patiente, vous adresser mes plus belles pensées, mes vœux les plus tendres, et l'expression de l'honneur qu'est, pour moi, le fait de parcourir ces pages que vous m'offrez.
Et également à toi, mon frère, Drakôn, je voudrais signaler mon amour, même si nous ne sommes que des taches d'encre sur quelque formulaire institutionnel. Nous sommes encre, certes, mais aussi nous sommes les faces d'une même pièce.
Comme LAncoLibre et (Hydr@cène);, qui nous regardent de loin.
Leur enthousiasme éclaire la nuit, chasse l'hiver.
Nous sommes toustes ensemble un seul corps pensant.
À la Recherche du Printemps Perdu
Je m'étire. Je suis tout engourdi encore de mon hibernation.
Mais le soleil est déjà là qui illumine les cristaux du Bosquet. Et ce sont déjà des arcs-en-ciel diffractés qui explosent alentour, se mirent sur mes écailles, sur les restes du givre qui s'accroche à l'hiver, sur les flocons qui vont bientôt fondre, et sur les arbres de verre.
La lumière m'abreuve. Je sens dans la terre la vie qui rejaillit. Je sais que le cycle est déjà terminé. Je fais un sourire un peu niais : tout est éperdument sensible, tout vibre d'une détermination renouvelée.
Et moi aussi je fais partie de ce cycle interminable. Je battrai plus fort au printemps. Je regarde le palais, non loin ; le petit arbre au centre du lac a bien poussé, pendant mon sommeil. Ses racines sont vigoureuses, il élancera bientôt ses frondaisons très haut.
Au travail. Il y a tant à faire, tant de pages à écrire, tant de livres à aimer... Du coin de l'œil je vois le cadran se tourner. Il pointe sur le symbole du printemps, maintenant. L'année est finie, ou plutôt : elle reprend. C'est le regain, tout va repousser, s'épanouir, tonitruer.
Réveillez des hivers aux reflets prismatiques
Un goût métallique transperce un ciel ouvert
Ed, votre Bibliovore