Résumé
Depuis la fin de la seconde guerre mondiale, la psychiatrie a connu de profondes mutations. La psychothérapie institutionnelle, puis la mise en place progressive du secteur, à partir de 1960, ont permis à la psychiatrie de « sortir des murs », celle-ci s'exerçant désormais, par principe, en ambulatoire. Ce virage a eu pour conséquence de faire basculer les troubles psychiques dans la catégorie des maladies chroniques, appelant ainsi un changement de paradigme. C'est dans ce contexte que le terme de rétablissement a fait son apparition en France. Traduction du « recovery » déjà largement utilisé aux Etats-Unis. Le rétablissement permet aux patients de se projeter dans une vie plus satisfaisante, épanouissante et plus autonome des services de soin. Parler de rétablissement n'a pourtant rien d'une évidence. En effet, le rétablissement comporte deux dimensions, qui aujourd'hui sont envisagées de manière concomitante et complémentaire. D'un point de vue objectif, le rétablissement, c'est bien sûr, à n'en pas douter, la réhabilitation psychosociale, passant par la réduction des symptômes, s'appuyant sur une meilleure connaissance et gestion des traitements par les usagers, rendant ainsi possible un retour dans la cité. Cette définition, nécessaire, mais aujourd'hui insuffisante en contexte de maladie chronique, s'enrichit depuis quelques années d'une définition plus subjective du rétablissement.<br /> <br /> Les patients expriment de plus en plus le désir d'être entendus, d'exercer pleinement leur citoyenneté et d'être acteurs de leur parcours de vie et de soin, notamment par le soutien des Groupes d'Entraide Mutuelle (GEM). Face à cette volonté croissante, les politiques d' « aller vers » et les pratiques innovantes « orientées rétablissement » tentent de promouvoir la défense des droits des usagers, leur pouvoir d'agir, ainsi que la lutte contre la discrimination. L'institutionnalisation récente et progressive de la pair-aidance, par la création du métier de Médiateur Santé Pair (MSP), notamment, témoigne de cette volonté de prendre en compte la parole des usagers, dans un contexte généralisé de montée en puissance de l'expertise du patient.<br /> <br /> Si sur un plan purement théorique, le rétablissement est donc à la pointe de l'innovation psychiatrique, la réalité invite à questionner le rétablissement dans sa dimension concrète, au plus près des personnes concernées. Ce numéro proposera donc de mettre en lumière la parole des usagers, et en particulier la représentation qu'ils ont des institutions à l'heure du rétablissement. Si par institutions, on peut entendre non seulement les institutions de soins, mais aussi celles du médico-social, nous avons choisi ici de nous intéresser spécialement au domaine du soin au sens strict, c'est-à-dire de la psychiatrie.<br /> <br /> Où en est-on aujourd'hui du rétablissement, et est-ce que les usagers se sont réellement approprié ce terme ? Et les soignants ? Parlent-ils à leurs patients du rétablissement ? Quelles représentations se font les usagers aujourd'hui de la psychiatrie, et quelle place donnent-ils aux institutions dans leur parcours de rétablissement ? En quoi celles-ci contribuent-elles, ou au contraire, freinent-elles, leur rétablissement ?