Résumé
« J'ai voulu que ce livre fût un livre d'hommage. Hommage aux livres, à celles et ceux qui les emplissent de leurs pensées, de leurs sentiments, de leurs jugements, parfois de leurs utopies. Mon travail de critique littéraire m'a apporté la chance miraculeuse de recevoir dans ma boite aux lettres, quotidiennement, de nouveaux ouvrages. J'ai ouvert et continue à ouvrir chaque paquet avec émotion, sans jamais envisager, au dam d'un hypothétique architecte, que le poids des volumes accumulés risquait un jour de faire s'écrouler ma maison. A leurs auteur(e)s, je dois presque tout : mes opinions, mes idées, mes façons de penser, d'enseigner, d'être au monde, de me comporter vis-à-vis des autres. Leur influence n'a pas été égale : certains ont été mes professeurs à l'université, d'autres, plus rares, sont devenus mes maîtres, d'autres encore mes ami(e)s - tous, par leurs livres, classés sur les rayonnages d'une façon qui n'est claire qu'à mes yeux, demeurent autour de moi. Ayant gardé le même « poste d'observation » à Libération pendant près de quarante ans, j'ai pu suivre l'actualité éditoriale, comme on dit, ai aperçu les lignes, parfois brisées, de la « réception » des œuvres, rédigé plus de deux mille recensions, et j'ai eu l'occasion d'adresser à de nombreux philosophes un dernier salut, au moment de leur disparition, en revenant sur les points-clé de leurs oeuvres et sur les éléments marquants de leur vie. Aussi m'est-il apparu comme une « nécessité » de colliger en un volume ces nécrologies de philosophes - de Sartre à Rawls, de Derrida à Levinas, De Beauvoir, Lévi-Strauss, Baudrillard, Heller, Ricoeur, Foot, Gadamer, Latour, Bouveresse, Foucault, Deleuze, Serres, Jankélévitch ... - lesquelles ne font justement pas signe vers des « absences » , mais, au contraire, veulent indiquer à quel point leur pensée est présente, féconde, et a composé la carte de la philosophie de ce temps. Plus qu'une « nécessité » en vérité : un devoir, un devoir de mémoire. » (R.M.)