Résumé
Relier, par Régis Debray Familiarité du livre, par Julien GracqLongtemps, le texte a dédaigneusement effacé le livre. Comme l'interprétation des signes, la manipulation des choses qui les recueillent et les portent jusqu'à nous. Consciente de tout ce qu'il entre d'esprit dans une forme matérielle, la médiologie voudrait redonner une place d'honneur aux objets, aux ustensiles, aux plus humbles dispositifs. Et comprendre ce que leurs outils font aux humains. Le livre est une invention technique du IIIe siècle (le codex), indémodable, et dont la modernité susciterait l'enthousiasme, si elle datait d'aujourd'hui. En analysant ce que le livre fait au lecteur, Julien Gracq vient à notre rencontreUniversité : la cote d'alerte, par Claudia MoattiS'il est une institution vouée au transmettre, c'est bien l'École. Sa pièce maîtresse, l'Université, atteint son point critique. Écoutons ce cri d'alarme. Un professeur quitte sa chaire et la France - et dit sans fard pourquoi.Aragon/Breton : médias contre médium, par Daniel BougnouxS'ils ne s'adonnent pas à la sociologie des médias, les médiologues ne peuvent ignorer les moyens d'information. D'autant que la question du journalisme pose celle de la militance et de notre rapport au présent. Le siècle et la règle : tension éthique, dilemme politique, et choix littéraire. Hier éclaire-t-il aujourd'hui ?Irak : de l'info au credo, par François-Bernard HuygheDrame d'idées et de croyances, la guerre a toujours été au carrefour du technique et du religieux. Or les technologies de l'information et du faire-croire sont en pleine révolution. En conséquence de quoi les moyens militaires et le but de guerre ont changé, - jusqu'à l'absurde. Une analyse à longue portée.Victoires et déboires du journal intime, par Jacques Lecarme« Le chanteur, non la chanson » : les moyens techniques du direct, du live et de l'immédiateté conspirent dans tous les domaines de création à mettre en valeur l'auteur, et son « vécu », bien plus que l'œuvre en sa distance. D'où un changement de portage dans le littéraire: correspondance et journaux intimes font fureur. Histoire d'une réhabilitation.Questions d'un Huron sur le quai Branly, par Philippe DubéMachine à transmettre, le musée est aussi une machine à transformer un objet de croyance vécue en objet de spectacle ou d'étude. Jusqu'où aller dans cette métamorphose, quand c'est des peuples oubliés dont il s'agit ? En février 2006 s'ouvrira au quai Branly, en bordure de Seine, un magnifique musée, consacré aux arts dits primitifs. Un spécialiste canadien s'en inquiète déjà.Le portrait de l'Empereur, par Hidetaka Ishida« Technique occidentale, âme japonaise. » Le slogan de l'ancien empire du Soleil Levant pose le problème médiologique par excellence : quel effet a une innovation technique sur une tradition politique et culturelle ? La transformation par la photo du portrait de l'Empereur, à la fin du XIXe siècle, fait une bonne leçon de choses.Droit d'auteur contre brevetConseil général des technologies de l'information (CGTI)Du technique au juridique, il n'y a qu'un pas. Et un changement du droit modifie les rapports de puissance. L'informatique a changé la donne de la propriété intellectuelle. L'extension du domaine du brevet, au profit des firmes nord-américaines, met l'Europe en danger.BONJOUR L'ANCÊTREIci, contre l'amnnésie et la désinvolture, un médiologue d'aujourd'hui célèbre un maître d'hier oublié ou méconnu.Proudhon et les chemins de fer, par Robert DamienAu contraire de la sociologie, et comme l'attestent les numéros des Cahiers de Médiologie sur la route (n° 2), Anciennes nations, nouveaux réseaux (n° 3), la bicyclette (n° 5), l'automobile (n° 12), la médiologie a toujours accordé la plus grande importance aux moyens de transport. La notion de médiasphère, par exemple, ou milieu de transmission culturelle historiquement déterminé, inclut les systèmes de transport physique en vigueur. La domestication du temps ne peut ignorer celle de l'espace. Sur cette voie, un prédécesseur...SALUT L'ARTISTEIci, contre modes et paresses, un coup de projecteur éclaire un coin d'ombre dans la forêt des formes actuelles.Jean-Louis FaureLe petit-fils du grand historien de l'art Élie Faure (1873-1937) pratique la sculpture à texte. Ce faisant, il ne déroge pas à la grande lignée familiale. Il la détoge. Il a remplacé la pompe rhétorique du grand-père par la pompe à vélo. Rébus, calembour visuel, clin d'œil et parodie, Jean-Louis Faure, croisement de Raymond Aron et de Marcel Duchamp, construit des machines célibataires, automates producteurs d'imaginaire et d'intelligence mêlés. Pudique et facétieux, il dresse en trois dimensions le catalogue « Bourdes et Crimes du Siècle », comme d'autres, jadis, les Armes et Cycles de Saint-Étienne. Cela tient du pamphlet, de la confidence, et du cérémonial. Nous qui aimons le mélange des genres, et défendons le droit à l'humour noir, nous tenons à saluer les noces bariolées de la gravité et du cocasse. Cet artiste original et pas assez connu (sauf des happy-few), notre facteur Cheval de demain, la culture en plus, a inventé le tragique farceur. Son seul défaut : ses délires font sens, et ses parodies, réfléchir. Peut-être, nonobstant, un commissaire de l'art franchira-t-il un jour sa porte.