Résumé
Il arrive un beau jour à l'écrivain d'écrire le livre qu'il avait toujours rêvé d'écrire. Le livre qui, par excellence, doit lui faire plaisir car il y aura mis ses petits riens jamais dits, souvent esquissés dans son œuvre, ses mots d'humour et d'amour qu'il ne voulait pas libérer encore. Aujourd'hui, Cecil Saint-Laurent nous donne un roman érotique modèle. Semblable à ces fillettes qui nous semblent échappées d'un conte de Lewis Carroll, d'une photo d'Hamilton ou d'une saynète de la comtesse de Ségur, ces nymphettes voleuses de cœur et d'émotion, Cecil Saint-Laurent leur rend vie et vice, grâce et hommage. Le bonheur du romancier est de nous faire partager son singulier plaisir. Resté fidèle à son art de peindre toute une époque, il nous fait revivre, ici, quelques fols après-midi sous Napoléon III, un début de siècle italien et une Suède bien contemporaine. Les petites filles, en effet, cèdent bientôt leur place : d'autres femmes, déshabilleuses ou déshabillées par la plume de leur maître, vont faire de ces pages un lit de cinéma. Tous les goûts, pourrait-on dire, sont dans la nature de ce livre. Il risque seulement de faire bon nombre de jaloux au royaume de ceux qui ont des yeux pour voir. Petit, je me demandais, en lisant la comtesse de Ségur, de quoi les parents parlaient quand les enfants n'étaient pas là ; plus grand, j'essayais d'imaginer leur vie sexuelle que la comtesse gardait secrète. Il y a deux ans, pendant que je l'écrivais, je lus un livre où notre société était assimilée à une société du spectacle, ce qui donna tout à coup une substance à une impression que j'avais eue en Suède. J'y plaçai le récit que m'inspirait un héros qui préfère voir l'amour que le faire. Me partageant entre l'aventure de deux héroïnes séguriennes, joyeuses et confuses de leurs dépravations, et le regard tragique du héros suédois, je fus entraîné à relier ces deux « époques de l'érotisme » par une comtesse italienne du début du siècle. Écrire un roman, c'est fumer des cigarettes enchantées. On est le voyeur des voyeurs, puis on se livre au public et l'on devint le voyeur vu. Un roman est toujours une rencontre - bonne ou mauvaise - de motifs d'intérêt ou d'émotions personnelles qui sont apparues à des dates différentes dans la vie de l'auteur et qu'inopinément la germination d'une œuvre rassemble.