Résumé
Depuis plusieurs années, les travaux sur l'acte de lecture et la figure du lecteur au XVIII
e siècle se sont multipliés. Divers
domaines de recherche ont été abordés : théorie des effets, immersion fictionnelle, intertextualité, mise en abyme, écriture des
savoirs, controverses intellectuelles, traductions, matérialité du livre, périodicité, relation entre l'écrit et l'image, sociabilités
mondaines, censure... Bien qu'issues de champs disciplinaires différents, ces études ont indiscutablement en commun
d'écarter toute essentialisation du texte littéraire ; elles mettent en avant la complexité du rapport que la production imprimée
de l'âge classique a entretenu avec la lecture, en tant que pratique, et le lectorat. À cet égard, l'œuvre de Diderot offre un terrain
remarquablement riche que le présent volume collectif se propose d'arpenter sans restriction générique. L'enjeu est de préciser
les stratégies d'écriture plurielles que le Philosophe a mobilisées, privilégiant, on le sait, la part dialogique de toute œuvre, cette
« parole de l'autre » si finement analysée naguère par Jean Starobinski. L'œuvre diderotienne ne relève pas, on le sait, d'une
intention univoque à laquelle le lecteur se plierait docilement : au contraire, ce dernier donne vie au texte, se l'approprie,
actualise à son gré ses composantes. Dans cette perspective, il s'agira moins de s'opposer à une école critique, au vu de la
pluralisation des études sur l'œuvre de Diderot, que de privilégier un faisceau d'approches situé à la croisée de la théorie
littéraire, de l'histoire littéraire et de la philosophie. Se dessine, dans tous les cas, ce que l'on pourrait nommer une éthique de
la lecture, c'est-à-dire une invitation permanente à exercer le jugement.