Résumé
L'Odyssée est un livre, un mythe, un monde. Aujourd'hui, à la villa Carmignac, c'est une exposition, inspirée par Ulysse, le héros grec qui après la guerre de Troie (L'Illiade), navigua dix ans durant pour retourner sur son île. Le roi d'Ithaque aurait touché, dit la légende locale, dans son errance au rivage de Porquerolles. II y aurait combattu et terrassé l'Alycastre, ce monstre envoyé par Poséidon et sculpté par Miquel Barceló à l'entrée de la Villa. C'était suffisant pour faire de L'Odyssée, et de l'île, le point de départ d'une exposition-expérience, « Le Songe d'Ulysse », distincte du texte d'Homère, où le visiteur s'embarquerait pour une aventure personnelle et intime.
La villa Carmignac, tout entière avec le jardin, devient un labyrinthe structuré par une scénographie qui en accentue le concept, avec ses impasses, ses détours, ses surprises. Le long retour d'Ulysse n'est-il pas un voyage labyrinthique dessiné sur la mer ? Symbole universel, magique, tout à la fois spirituel et ludique - du labyrinthe du Minotaure à celui de la cathédrale de Chartres ou à celui, « végétal », de Franco Maria Ricci à Parme -, le labyrinthe invite à un vertige des sens et de l'esprit. Le visiteur, tel un Ulysse contemporain dérivant dans cet espace, est constamment placé face à des choix. Prendre ce chemin plutôt qu'un autre, tourner à droite plutôt qu'à gauche, voir une œuvre et pas une autre. Allégorie des choix que chacun fait dans l'existence, « Le Songe d'Ulysse » entend ainsi évoquer, sans l'illustrer, l'expérience de ce voyage homérique. Le visiteur désorienté, circulant dans cet enchevêtrement d'espaces où sont présentées les œuvres, devrait être conduit de rencontre en rencontre : chaque œuvre devient alors un personnage. Personnages féminins fantasmés, monstres et leur potentiel d'épouvante, héros, êtres fabuleux, animaux - le visiteur est placé face à la variété des formes imaginaires du visage, y compris lorsqu'il est défiguré. De sensation en fabulation, de l'étonnement à l'émerveillement, ce labyrinthe souterrain, qui se poursuit au premier étage et dans le jardin, représente en soi une initiation esthétique. Ne faut-il pas pour accéder à l'art et à son enchantement que chacun puisse faire son chemin, au risque de l'égarement ? C'est aussi le sens de cette exposition : l'image de l'expérience que chacun fait de l'art. Les choix, entre libre arbitre et déterminisme, esquissent pour chaque visiteur une exposition unique, conditionnée par les prises de décisions et les renoncements. À travers son chemin, le visiteur met à l'épreuve l'art dans sa vocation à éclairer nos existences et à nous orienter, voire à nous désorienter, dans ce dédale. Des peintures, des installations, des sculptures, des photographies, des tapisseries aussi... qu'est-ce qui nous touche en elles ? Sommes-nous sensibles à leur appel ? Restons-nous contemplatifs, effrayés ou agacés à leur vue ? Ou sortons-nous grandis de leur rencontre ?
La Fondation Carmignac, créée en 2000 à l'initiative d'Édouard Carmignac, est une fondation d'entreprise qui s'articule autour de deux axes principaux : une collection d'art contemporain, qui comprend actuellement plus de 300 œuvres, et le prix du photojournalisme, soutenant annuellement un reportage d'investigation qui fait l'objet d'une exposition et d'un catalogue. Depuis juin 2018, en partenariat avec la Fondation, la Villa Carmignac, un lieu d'exposition accessible au public, a été créée sur l'île de Porquerolles afin de proposer des expositions temporaires, un jardin habité par des œuvres spécialement créées pour le lieu, ainsi qu'une programmation culturelle et artistique.