Résumé
Quand un historien se double d'un homme d'État, son analyse du passé prend un singulier intérêt. En effet, abordant l'histoire en connaissant les dessous des grandes affaires, les passions, les calculs qui se cachent derrière toute négociation, il peut nous en donner une vue plus nuancée, plus large et plus humaine. L'expérience du politique enrichit la compréhension de l'écrivain. On comprend l'intérêt de la grande synthèse qu'apporte Georges Bonnet. Il a été Garde des Sceaux, ambassadeur de France à Washington, ministre des Affaires Étrangères au moment le plus dramatique de notre vie nationale. Avant d'écrire l'histoire, il l'a vue se faire dans sa complexité ; il a été non seulement un témoin direct mais il a tenu un des premiers rôles. Il peut, sous les textes définitifs des accords, évoquer les longues discussions, les heurts des relations internationales. Examinant le passé, il l'éclaire et l'anime de sa connaissance de la vie publique internationale. Il s'est attaché à nous expliquer la diplomatie de nos trois Républiques, de 1870 à nos jours. Il a eu raison de l'envisager en une sorte d'ensemble où tout s'enchaîne, où chaque événement est la conséquence naturelle du précédent. A tous ceux qui veulent savoir ce que sont les traités de Versailles, Locarno, Munich, Yalta, Potsdam, etc. il apporte une série de notions claires qui expliquent notre monde contemporain. En outre son histoire diplomatique est la seule qui ait été poussée jusqu'en 1961. Elle éclaire et coordonne des événements récents dont le public ne garde qu'un souvenir fragmentaire. Trois Républiques, mais en réalité un seul drame qui commence en 1871, dont les épisodes entraînent le lecteur irrésistiblement jusqu'au dénouement qui intervient à la fin du volume. Tout ce récit est d'une lecture vivante. Rien ne traîne. Le style est clair et alerte, l'ouvrage fortement composé, car l'auteur a appris au Conseil d'État la concision, la rigueur du raisonnement et le respect des textes. En 1924, Georges Bonnet entre dans la vie publique ; de plus en plus l'auteur et le diplomate vont se confondre, à la grande satisfaction des lecteurs qui se glissent derrière lui dans les coulisses. Les voici dans l'intimité de personnages célèbres, écoutant des propos inédits. Quand la crise financière surgit, Georges Bonnet rentre, l'or aussi, les échéances sont assurées. En 1938, survient un grand péril à l'extérieur ; l'Élysée appelle Georges Bonnet pour former le Gouvernement. Deux mois plus tard, Hitler prend l'Autriche. Après ce coup, la panique règne. On l'appelle au Quai d'Orsay. Le ton se fait alors plus pressant, plus personnel. Ici apparaît l'homme d'État. Il poursuit son action avec volonté, insensible aux pressions de l'opinion, mais calme, maître de lui, sachant où il va. Puis c'est le voyage de George VI ; la crise tchécoslovaque. Enfin Munich et l'accueil délirant de Paris et de la France. Mais le ministre ne cache pas son pessimisme ; la guerre est seulement retardée, il faut réarmer précipitamment. Alors, c'est la tragique année 1939. Hitler entre à Prague, la France négocie avec l'U.R.S.S., mais le 23 août, Molotov signe avec Hitler. Georges Bonnet fait réunir le Comité de la Défense Nationale. Le Généralissime répond "L'armée est prête". Ce sont les dernières journées avant l'invasion de la Pologne. Les lecteurs sont au bout du fil avec l'auteur et ils écoutent ses conversations téléphoniques avec Ciano, les ministres anglais, puis avec l'Ambassadeur qui porte la déclaration de guerre à Hitler. Ensuite, c'est la défaite, l'effort de la France pour la surmonter, la moitié de l'Europe soumise à Staline, "dans une situation pire qu'en 1939", dira Churchill. Ce qu'avait redouté Georges Bonnet se trouve réalisé ; émouvante histoire racontée sous le titre "de l'épée d'honneur au rideau de fer". Enfin, c'est la guerre d'Indochine, puis la guerre d'Algérie : le grand tableau s'achève. C'est toute une longue période de notre passé, replacée au milieu des événements internationaux, période dont nous dépendons encore, que Georges Bonnet a racontée en enrichissant le récit de l'historien de l'expérience de l'homme d'action.