La yougoslavie socialiste

De toutes les façons d'aborder le problème yougoslave, il n'y en a qu'une qui permet de na pas tomber dans la polémique ou la politique et de rester sur le terrain plus sûr de l'analyse objective et concrète : elle consiste à envisager l'évolution de la politique yougoslave comme un effort continu d'adaptation aux conditions du pays, non seulement sous le rapport des conditions économiques nouvellement créées par l'expropriation de l'industrie privée, mais aussi des conditions extra-économiques, comme les relations internationales et les conflits idéologiques. Voulant éviter de retomber d'abord dans les discussions parfois byzantines qui se sont déroulées tant dans les milieux de gauche que dans les milieux de droite sur le sens et les fondements du régime titiste, M. C. Bobrowski, bien connu par son indépendance et ses travaux d'économiste, a axé son analyse de l'expérience yougoslave sur ce qu'elle avait de plus riche, de vivant et d'original, à savoir son souci de tenir compte des particularités propres au pays. Ce faisant, on comprend mieux la signification réelle et l'origine des modifications apportées au cours de ces dernières années à la doctrine, aux objectifs poursuivis, ainsi qu'aux méthodes de gestion et de planification en vigueur. L'indiscutable est que la ligne politique actuelle s'est formée dans l'action. Action à l'intérieur du pays, action sur le plan des relations internationales. Comme telle, elle est à la fois une méthode spécifique de modernisation économique qui ne peut être copiée servilement et une variante du marxisme dans la mesure où ce système révolutionnaire tente de concilier le souci de l'efficacité et la volonté d'éviter les conflits inutiles. M. C. Bobrowski a écrit un livre riche, d'une extrême densité dans sa forme et dans son contenu. Dix années de vie et développement yougoslave sont analysées scrupuleusement pour retrouver au-delà des tournants, des hésitations, l'idée directrice fondamentale. Pareille description commande la prudence si l'on veut juger en fin d'examen l'expérience isolée de ce pays, enjeu des luttes d'influence. Les batailles de la politique étrangère se gagnent en premier lieu à l'intérieur du pays.