Résumé
Deux événements ont décidé de l'orientation de la vie de Madame de Rasky. Dans son enfance, elle allait, chaque jeudi, avec sa mère, chez la Baronne Donop de Monchy, amie de sa grand-mère. Les Monchy possédaient une éblouissante collection d'impressionistes. Ils avaient consacré à ces toiles, dans leur appartement, une longue galerie semblable à une salle de musée, dont les fenêtres donnaient sur l'église de Saint-Germain-des-Prés. Après avoir pris une tasse de chocolat, assise sur un pouf de satin cerise, accompagnée du maître de maison, elle allait se réfugier dans cet émouvant sanctuaire de l'art. Elle pouvait rester indéfiniment à regarder une toile qui la bouleversait : c'était "Le train dans la neige", connu également sous le titre "La locomotive" de Claude Monet. Devant ces couleurs irisées et ce climat angoissant, elle ne pensait plus à jouer. Cette merveilleuse collection fut offerte - avec une volumineuse correspondance de Monet - au Musée Marmotan, par la Baronne Donop de Monchy, de son vivant. Madame de Rasky va souvent revoir cette toile, qui fit d'elle un peintre. Le deuxième événement qui lui donna le goût de l'Histoire fut le portrait de son aïeul, le Marquis de Bellecourt qui, avec celui de sa femme, ornait le boudoir de sa mère, Bellecourt, perruque poudrée, jabot de dentelle, tient un écrin de décoration à la main. Il fut guillotiné le 3 Thermidor, et jeté dans le charnier de Picpus avec beaucoup d'autres victimes. Sa mère se plaisait à lui raconter des souvenirs émouvants sur ce parent, dont la mort, malgré le temps, avait laissé au cœur de la famille des larmes inapaisées. Ce souvenir sanglant hantait son imagination enfantine, et le culte que lui rendait sa mère la bouleversait. C'est ainsi qu'elle apprit que la reine Marie-Antoinette veillait avec tendresse sur ses enfants, et que c'est elle qui choisit les Bellecourt, pieux ménage exemplaire, pour leur confier sa fille Madame Royale. Très vite, sa Majesté fit attribuer une charge au Marquis : "coiffeur de la fille de Louis XVI". En ce temps-là, chaque matin, au petit lever, un long instant était consacré à la coiffure. Venaient y assister nombre de courtisans, qui s'entretenaient de multiples sujets. Bellecourt surveillait ces conversations parfois légères. Elle décidait de vouer, à ce lointain aïeul, une longue étude. Il lui fallait savoir quels étaient ces liens qui le rattachaient aux enfants de France. Pourquoi avait-il été guillotiné ? Après de nombreuses recherches, elle découvrit - grâce à l'amabilité et à l'érudition de son ami Monsieur Mathieu - conservateur aux Archives nationales, l'important dossier de la donation. Dans ce dossier fabuleux pour un historien, se trouve la signature de Bellecourt. Cette signature figure sur une note relative aux dépenses de coiffure de Madame Royale et d'Ernestine Lambriquet ! Ainsi, une preuve irréfutable venait de surgir : Madame Royale, Marie-Thérèse de France et Ernestine Lambriquet avaient leurs noms unis de la manière la plus probante et la plus inattendue ! Charles de Bellecourt avait légué à Madame de Rasky le goût de l'Histoire !