Résumé
Marginalisée par la progression des sciences neurobiologiques et comportementalistes et ramenée au terrain concret d'une simple connaissance de soi, susceptible d'améliorer la quotidienneté du sujet et ses capacités professionnelles, la psychanalyse est aussi invitée à panser les brèches du social, sans bouleverser néanmoins les structures qui en sont l'origine.
En écho avec la globalisation capitaliste, cette tendance s'accompagne d'une logique de psychologisation du monde :
Au sujet souffrant d'une insertion défectueuse dans les différents marchés où il doit prendre place - travail, habitat, vacances, identité, sexualité, parentalité, etc. - ou traumatisé par un dysfonctionnement imprévu, on propose l'intervention bienveillante d'un ensemble d'acteurs thérapeutiques, supposés réparer le réseau des machines imbriquées qui composent la société comme marché et empêcher que les béances psychiques démultipliées ne se transforment en abîmes sociaux.
Cette psychologisation du social a conduit des psychiatres, des psychanalystes et des psychologues à s'interroger sur leurs pratiques et la position qui leur est allouée dans les processus sociaux en cours.
Une manière pour les psy de renouer avec un questionnement, non plus théorique et subsumé par des utopies politiques, mais concret, lié à la fois aux formes actuelles des rapports sociaux et aux modes émergents de gestion et de contrôle de leurs failles et désordres les plus évidents.
Résumés
Michèle Bertrand, Bernard Doray, Psychanalyse, sciences sociales, sociétés
pour une mise en perspective
Les auteurs décrivent d'abord l'état des lieux auquel ils avaient procédé en 1987 pour décrire les relations entre la psychanalyse et les sciences sociales en France, dans le contexte d'une politique de recherche explicitement incitative. Le tableau qui s'en dégageait pouvait se représenter comme un "labyrinthe" parcouru par cinq chemins : celui des "freudologues", celui des "sociologues cliniciens", celui des raccourcis structuralistes, celui des "psychographes" et enfin celui des psychanalystes qui engageaient leurs activités dans des cadres résolument éloignés de celui de la cure-type. Aujourd'hui, la politique incitative pour de telles passerelles entre la psychanalyse et les sciences sociales a pratiquement disparu. Les auteurs évoquent les nouveaux pôles d'initiative, notamment universitaire, décrivent ce qu'est devenu le "labyrinthe" précédemment exploré et analysent, exemple à l'appui, l'émergence actuelle d'une nouvelle clinique, informée à la fois par la sociologie et la psychanalyse, dans le domaine de la précarisation sociale.
Olivier Douville, Clinique et anthropologie : quelles articulations ?
Dans notre modernité, les phénomènes de rupture culturelle prennent une importance considérable. L'ampleur des migrations en est l'exemple à la fois le plus illustré et le plus polémique dans le champ clinique, avec la persistance d'une psychologie ethnique se réclamant, pas toujours à juste titre, des thèses ethnopsychiatriques de Georges Devereux. Mais le fait humain du "décalage" et du "passage" entre plusieurs systèmes de référence ne saurait se restreindre au simple fait migratoire. Les phénomènes d'errance et d'exclusion, d'exil intérieur, mènent aussi à s'interroger au plan des réponses institutionnelles. Les questions cliniques concernent d'une part, la dimension de l'offre clinique, mais aussi et encore renvoient chaque clinicien psychanalyste à penser et éprouver comment il peut entendre de nouvelles modalités d'inscription des subjectivités dans l'espace et le temps. La dimension même d'une anthropologie du monde contemporain se réalise au plan d'une souffrance singulière, chez des sujets le plus souvent présentés comme des sujets "sans" (sans lieu, sans papiers, sans collectif, errants, exilés ou exclus). Une interrogation sur le collectif n'en fait que davantage retour, non sans virulence. C'est dans ce contexte que des psychanaly