Résumé
À bout de douleurs, ses insignes de grade arrachés, le capitaine de vaisseau Yves de Kerhae est traîné, à l'issue d'un interrogatoire de deux heures - entrecoupé de tortures - jusqu'à une cage. Pour passer la porte de celle-ci, haute seulement d'un mètre, il plie trop lentement son corps martyrisé. Un coup de gourdin sur les reins l'y projette et le fait tomber dans le coma. Dès qu'il en sort, il entend hurler : « Plus couché, assis ! » Une vision dantesque l'attend. Dans sa cage de quatre mètres sur cinq, il découvre seize êtres squelettiques, assis en tailleur, immobiles et muets. Tandis qu'il replie sous lui ses longues jambes, pour prendre la position requise, les effluves du baquet à l'usage de tinette - jointes aux odeurs de crasse, d'haleines fiévreuses et de sanies - le font suffoquer. Il va avoir tout le temps de s'y habituer ! La Kempeitai, la sinistre gendarmerie japonaise, veut qu'il avoue « la trahison » de la Marine française en Indochine au profit des Américains et au mépris des accords de neutralité conclus en 1941. Il est personnellement accusé d'avoir fait transmettre des renseignements sur les mouvements des navires japonais, et d'être - de ce fait - responsable d'importantes pertes nippones. Pas question d'avouer. Pas plus que de se laisser mourir. Pour celle qui l'attend depuis qu'il l'a quittée en 1941, il s'accroche à la vie. Désormais, entre les séances d'interrogatoires et de tortures, il se remémore son passé. Il fait défiler toutes les péripéties de sa carrière pleine et heureuse, depuis son entrée à l'École navale, jusqu'à cette période 1939-40 où, à la tête d'une division de torpilleurs, il a fait « une belle guerre ». Il revoit son arrivée en Indochine, coupée depuis de la métropole, repliée sur elle-même, protégée malgré elle par « l'ami », japonais, pieuvre aux multiples tentacules. La Marine continue à y servir, avec un matériel qui s'use, et dans des circonstances de plus en plus difficiles. Expectative sans illusion, jusqu'au coup de force du 9 mars 1945, où il a été fait prisonnier, après avoir pris - seul et rapidement - des décisions vitales pour ses hommes et ses compatriotes. Plus souvent encore, il pense à sa vie privée. Une vie comblée s'il ne subsistait pas ce regret, du fait de la législation en vigueur, de n'avoir pu la faire légaliser après un bref mariage qui a fait de lui déjà, bien avant les Japonais, « un encagé ». Il résiste ainsi, durant soixante-trois jours de cage et de supplices, en parlant à celle qui l'attend et celle-ci lui répond, sans qu'ils sachent rien de l'autre et sans douter de l'autre. De cette authentique histoire d'une vie de marin, Simone Deschamps, l'auteur de « La Pantenne », a fait un livre profond, que l'on suit passionnément à travers les vicissitudes d'un grand amour, les événements de l'occupation japonaise en Indochine et, heure par heure, la dramatique journée du 9 mars 1945 à Saïgon.