Résumé
Et de vieilles pierres pour finir... Le Protestant n'est ni créateur, ni amateur de pierres, on le sait. Que faut-il voir, à Tahiti, des vestiges du passé ? Paofai, hanté par le souvenir de Pritchard, ne nous apprend rien depuis, qu'en 1968, on a démoli son antique presbytère qui ne tenait plus que par les termites. On aura tout loisir d'y rêver à ce missionnaire, commerçant, puis consul. On montera à Moria, par une route toute neuve, au fond de Ste Amélie et, en dessous des terrasses où fut l'École pastorale, on admirera l'ordonnance du centre de Moria, pour jeunes en danger moral (une quarantaine), œuvre fière de son modernisme, de son jardin en serres, amoureusement soigné comme un jardin d'agriculture, de ses conceptions résolument nouvelles. On redescendra bien sûr à Hermon, où bat aujourd'hui le cœur de l'Église : maison du Président, ancienne école pastorale, que construisit - en 1937 - le bienveillant Pasteur Moreau, logements des professeurs. Aujourd'hui, sur la « colline sainte », les pavillons poussent comme des cocotiers... Il reste encore, sur la route d'Arue, les terres anonymes de Papaoa, jadis royales ; elles ne sont plus rien, et l'air seulement y est chargé d'Histoire. Au bord de mer, s'abandonnent les tombes de Nott et de Jefferson, dans un état de désolation extrême. Qui se soucierait, aujourd'hui, de la tombe de l'homme qui a sans doute connu le peuple mieux que quiconque ? Il reste Matavai, mais Matavai est un carrefour, où se donnent rendez-vous Cook et Wallis, Bligh et tant d'autres. En 1956, l'Église y édifie une stèle, qui se veut riche de symbole, faite de pierres venues de tous les archipels de l'ouest, de ceux que gagnèrent les conquérants d'Évangile, Williams et ses compagnons, suivant la route royale du soleil couchant. En février 1969, un coup de boutoir - maladroit ? - la jette à bas. On la reconstruira plus loin, avec d'autres symboles. De là, on poussera à Orofara, à la cité hansénienne où, depuis trente ans, se font face à face - dans un œcuménisme d'avant-garde - chapelles catholique et protestante, et où œuvre l'Église depuis plus de cinquante ans. Et si nous avons du courage, traversons le Channel pour retrouver - à Afare aitu - sur la route de Maatea, les traces de l'Académie des mers du sud, à Papetoai, les souvenirs de Patii et de Pomaré II, d'Orsmond le savant réfugié sur ses terres, derrière le mur de pierres sèches qui est toujours là. Et, dans le temple octogonal, s'achèvera le pèlerinage protestant, bouclant le cycle d'une aventure très humaine de cent soixante-dix ans.