Résumé
Après les Grecs, l'art a disparu pendant plusieurs siècles de la philosophie. Il n'est revenu que beaucoup plus tard, au XVIIIe siècle, sous forme de considérations ou de théories la plupart du temps esthétiques. Ce retour du discours philosophique à l'art a été contemporain de la naissance de l'esthétique, et de la crise moderne ouverte par Kant : celle de la scission entre l'être du sujet et sa pensée (sa conscience).
Contrairement aux apparences, le discours esthétique et philosophique sur l'art n'a pas d'abord constitué une discipline régionale et secondaire, qui s'occuperait d'une forme de connaissance mimétique de la réalité, et s'intéresserait aux effets subjectifs de l'art sur la sensibilité. La philosophie a plutôt été hantée par l'art, dès la naissance de l'esthétique, mais plus encore à partir de la réponse romantique et idéaliste à la crise de la modernité. La philosophie a en effet cherché dans l'art la possibilité de résoudre la séparation entre le sujet et l'absolu, et de réconcilier la liberté humaine et la Nature. Mais elle a en même temps rencontré son autre : l'art ne tient pas de discours, et rend sensible la présence de l'étranger, en brisant la totalité du savoir pour s'ouvrir aux différences.
Ce livre cherche les traces de l'effraction esthétique de l'art, dans le discours philosophique, en lisant à rebours les philosophes de la première et de la seconde modernité (Kant et Nietzsche), ceux de la dernière modernité (Benjamin, Adorno), ceux d'après la fin de la modernité (Merleau-Ponty, Foucault, Derrida), et de la postmodernité (Lyotard, Rancière). Comment ces philosophes ont-ils laissé s'inscrire, parfois à leur insu ou à leur corps défendant, l'écriture moderne de l'art, la césure, la fragmentation, le morcellement venus de l'Autre, de l'inconnu, de l'inconscient ? Comment l'effraction esthétique atteint-elle la sensibilité et la pensée, jusque dans leurs conditions de possibilité et leurs limites ?
Sommaire
Préface
L’écriture de l’art dans le discours philosophique, après la fin de la modernité
I. L’art sans effraction, malaise dans l’esthétique antimoderne – Rancière
II. Une effraction dans la matière, l’art à l’épreuve du postmoderne – Lyotard
III. La cécité, le miroir et l’effraction esthétique dans la peinture – Merleau-Ponty, Foucault, Derrida
L’écriture de l’art dans le discours philosophique de la dernière modernité
IV. De la critique esthétique dans le romantisme allemand au photographein de l’histoire – Walter Benjamin
V. L’effraction esthétique à l’ère de sa reproductibilité technique – Benjamin, encore
VI. L’art comme écriture, le déclin de l’aura et la double « désartification » – Benjamin, Adorno
L’effraction moderne du sublime et le rire tragique
VII. De l’effraction du sublime au rire tragique de Dionysos – De Kant à Nietzsche
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