Résumé
Si l'apprentissage de la méditation est un long chemin que même les plus grands sages suivent toute leur vie durant, un exercice quotidien peut déjà transformer notre regard sur nous-mêmes et sur le monde. Tel est le propos de cet essai très accessible, à la fois guide spirituel et philosophique et initiation concrète à la pratique de la méditation.
Riche de sa double culture, de son expérience de moine, de sa connaissance des textes sacrés, de sa fréquentation des maîtres, Matthieu Ricard montre le caractère universel d'une méditation fondée sur l'amour altruiste, la compassion, le développement des qualités humaines. Et révèle les bienfaits que méditer peut apporter à chacun dans notre société ultra-individualiste et matérialiste pour découvrir et cultiver ses aspirations les plus profondes.
Paru en 2008, L'Art de la méditation s'est déjà vendu à plus de 200 000 exemplaires en France, et dans plus de 30 pays.
"Ce livre contient l'essentiel : les concepts clés, les bases théoriques, des conseils utiles, des exercices..." Psychologies
L'auteur - Matthieu Ricard
Matthieu Ricard est moine bouddhiste depuis quarante ans. Il vit au Népal, où il se consacre aux projets humanitaires de l'association Karuna-Shechen. Il est notamment l'auteur de Le Moine et le Philosophe, L'Art de la méditation, Plaidoyer pour le bonheur, Plaidoyer pour l'altruisme et de Plaidoyer pour les animaux.
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Sommaire
LE CALME INTÉRIEUR
La méditation a pour but de libérer l'esprit de l'ignorance et de la souffrance. Comment procéder ? Un simple souhait ne suffira pas. Nous devons trouver une méthode systématique qui permette de dégager l'esprit des voiles qui l'obscurcissent. Puisque c'est l'esprit lui-même qui doit accomplir cette tâche, il faut qu'il en soit capable. S'il ne tient pas en place un seul instant, comment l'utiliser pour qu'il se libère lui-même de son ignorance ? Il ressemble à un singe attaché par de multiples liens qui ne cesse de sauter dans tous les sens. Il voudrait bien se détacher, mais comme il ne tient pas en place, ni le singe ni quiconque tenterait de l'aider ne parvient à défaire un seul nœud. Il faut d'abord calmer le singe. De la même façon, il faut commencer par pacifier notre esprit. Calmer le singe ne signifie pas simplement que l'animal se tienne tranquille tout en restant enchaîné. Le but est de profiter de cette accalmie pour lui rendre la liberté. Pareillement, on utilisera la maîtrise qui accompagne un état d'esprit calme, clair et maniable pour libérer cet esprit des liens formés par les pensées sauvages, les émotions conflictuelles et la confusion mentale.
La pensée machinale, entretenue par nos tendances et nos habitudes, la distraction et les fabrications de l'esprit conceptuel qui déforment la réalité sont autant d'obstacles à l'atteinte de ce but. Il importe donc de remédier à ces conditions défavorables. Maîtriser notre esprit, ce n'est pas lui imposer de nouvelles contraintes qui le rendraient plus étroit et plus tendu encore ; c'est au contraire l'affranchir de l'esclavage des automatismes de pensée et des conflits intérieurs entretenus par la rumination et les émotions perturbatrices.
Pour reconnaître la nature ultime de l'esprit, il faut aussi percer les voiles créés par les automatismes de pensée. Prenons un exemple : si vous cherchez une clef tombée au fond d'un étang, comment allez-vous procéder ? Si vous prenez un bâton et remuez le fond boueux, vous allez rendre l'eau complètement opaque et vous n'aurez aucune chance de trouver votre clef. Il faut d'abord laisser l'eau se décanter jusqu'à ce qu'elle devienne transparente, après quoi il vous sera facile de voir votre clef et de la repêcher. Dans tous les cas, il faut donc commencer par rendre l'esprit clair, calme et attentif. Ensuite, on utilisera ces nouvelles qualités pour en cultiver d'autres, comme l'amour altruiste, la compassion, ainsi que pour développer une vision pénétrante de la nature de l'esprit.
Dans toutes les écoles du bouddhisme, deux types de méditation fondamentaux et complémentaires sont pratiqués pour atteindre ce but. Il s'agit d'une part du " calme mental ", appeléshamatha en sanskrit, et de la " vue pénétrante ", appelée vipashyana. Shamatha est un état d'esprit apaisé et parfaitement concentré sur son objet. Vipashyana est une vision pénétrante de la nature de l'esprit et des phénomènes, qui est acquise par une analyse systématique de la conscience et par une approche contemplative et expérientielle de sa nature fondamentale. Vipashyana permet de démasquer les leurres de l'illusion et, en conséquence, de ne plus être victime des émotions perturbatrices. Shamatha prépare ainsi le terrain en faisant de l'esprit un outil maniable, efficace et précis, tandis que vipashyana libère l'esprit du joug des afflictions mentales et des voiles de l'ignorance.
Fréquemment, notre esprit est instable, capricieux, désordonné, ballotté entre l'espoir et la crainte, égocentrique, hésitant, fragmenté, confus, parfois absent, affaibli par les contradictions internes et le sentiment d'insécurité. Qui plus est, il est rebelle à tout entraînement et se trouve constamment occupé par un bavardage intérieur qui maintient un " bruit de fond " dont nous sommes à peine conscients.
Cependant, nous ne devons pas sous-estimer le pouvoir de transformation de l'esprit. Les états dysfonctionnels que nous venons de mentionner ne sont rien d'autre que le produit de notre esprit. Il est donc compréhensible que l'esprit lui-même puisse y remédier. C'est le but de la pratique de shamatha et de vipashyana.
Il s'agit donc de passer d'un état d'esprit où les conditions défavorables que nous venons de décrire seront graduellement remplacées par une attention lucide et stable, par la paix intérieure, la faculté de gérer les émotions qui surgissent, la confiance, la force d'âme, l'ouverture à autrui, la bienveillance et autres qualités qui constituent un esprit vaste, serein et altruiste.
Dans un premier temps, la pratique de shamatha va donc tendre à apaiser le flot désordonné de nos pensées. Afin d'affiner et d'entraîner notre concentration, nous allons utiliser un support qui est si naturel que nous lui prêtons rarement attention : notre respiration.
En temps normal, à moins d'être essoufflé à la suite d'un effort, de retenir notre souffle ou de prendre de grandes respirations pour remplir nos poumons d'air pur, nous sommes à peine conscient du va-et-vient du souffle. Pourtant, respirer est presque synonyme d'être en vie. Notre respiration étant ininterrompue, si nous pouvons en faire un support de concentration, nous disposerons d'un outil précieux.
MÉDITATION SUR LA RESPIRATION ATTENTIVE
Asseyons-nous confortablement, si possible en adoptant la posture en sept points décrite précédemment, ou tout au moins en nous tenant bien droit dans une posture équilibrée. Ici, la pleine conscience consiste à rester continuellement conscient du souffle, sans l'oublier ni en être distrait.
Respirons calmement et naturellement. Concentrons toute notre attention sur le va-et-vient du souffle. Plus particulièrement, focalisons-nous sur la sensation créée par le contact du souffle et des narines, c'est-à-dire l'endroit précis où nous ressentons physiquement le passage du souffle. Selon les cas, cela sera l'ouverture des narines,un peu plus à l'intérieur, ou plus haut dans les sinus. Notons également le " point d'extinction " du souffle entre l'expiration et l'inspiration suivante. Puis en inspirant, concentrons-nous à nouveau sur le point où nous sentons le souffle passer. Notons de même le deuxième point d'inflexion entre cette inspiration et l'expiration qui va suivre.
Durant tout ce cycle de respiration, gardons notre attention entièrement focalisée sur le souffle. Restons concentrés de la même façon sur le cycle suivant, et ainsi de suite, sans être tendu, mais sans non plus être relâché au point de tomber dans un état amorphe. Notre conscience du souffle doit être claire, limpide et sereine. Le Bouddha donnait l'exemple d'une masse de poussière soulevée par le vent, qui est anéantie par une averse de pluie et laisse place à un ciel pur et lumineux. La poussière est ici l'agitation et la confusion de l'esprit, la concentration sur le souffle est l'averse bienfaisante, et l'air pur est le calme et la clarté intérieurs.
Évitons de modifier intentionnellement le rythme de nos respirations. Notre souffle se ralentira sans doute un peu, mais cela doit se faire naturellement. Si votre respiration est longue ou si elle est courte, soyez simplement conscient du fait qu'elle est longue ou courte, sans élaborer mentalement.
Évitons aussi de verbaliser ou de conceptualiser cet exercice en nous disant intérieurement : " Je suis en train d'inspirer ; je suis en train d'expirer. " Contentons-nous de nous concentrer pleinement sur ces diverses étapes, sans les nommer mentalement.
Il adviendra inévitablement que nous tombions soit dans une distraction active, soit dans un état de vague somnolence, soit encore dans une combinaison des deux, c'est-à-dire un état confus traversé d'enchaînement de pensées erratiques. C'est là que notre vigilance doit intervenir : dès que nous nous apercevons que nous avons perdu notre concentration, reprenons-la simplement, sans rajouter à notre distraction en éprouvant du regret, en estimant que notre méditation est médiocre, etc. Revenons simplement à la concentration sur le souffle, comme un papillon qui retourne sur une fleur après avoir voleté à droite et à gauche quelques instants.
Lorsque des pensées surviennent, ne tentons pas de les bloquer ? ce n'est-ce pas possible puisqu'elles sont déjà là ?, mais évitons simplement de les entretenir : laissons-les traverser le champ de notre concentration, comme un oiseau qui passe dans le ciel sans laisser de traces.
Si d'autres sensations physiques surviennent, par exemple une douleur due au fait d'être resté longtemps assis dans la même position, sans nous révolter contre cette douleur ni nous laisser submerger par elle, embrassons-la avec notre pleine conscience, tout en conservant notre attention centrée sur le souffle. Si la douleur devient vive au point d'envahir notre méditation, il est préférable de se détendre quelques moments, ou encore de pratiquer pendant quelque temps la " marche consciente ", puis de reprendre la méditation sur le souffle avec un esprit dispos et une concentration régénérée.
Variante 1
Une méthode pour raviver notre concentration lorsqu'elle devient trop ténue consiste à compter nos respirations. Nous pouvons par exemple compter mentalement " un " à la fin d'un aller-retour du souffle, puis " deux " à la fin du cycle suivant, et ainsi de suite jusqu'à dix. Puis recommencer une nouvelle série de dix. Cette façon de procéder engendre une composante supplémentaire d'attention. Si nous préférons, nous pouvons aussi compter " un " à la fin de l'inspiration, et " deux " à la fin de l'expiration. Cette méthode et les suivantes peuvent être appliquées de temps à autre, lorsque cela est utile, mais il n'est pas nécessaire de compter nos respirations pendant toute la durée de notre méditation.
Variante 2
Une autre manière de procéder consiste à compter mentalement assez rapidement 1,1,1,1,1,1,1..., pendant toute la durée de l'inspiration, puis de la même façon 2,2,2,2,2,2,2..., durant l'expiration. Pour le cycle suivant, nous compterons 3,3,3,3,3,3,3..., en inspirant, et 4,4,4,4,4,4,4..., en expirant. Nous irons ainsi jusqu'à dix, puis nous recommencerons un nouveau cycle.
On peut encore compter rapidement de 1 jusqu'à 10 durant l'inspiration et faire de même lors de l'expiration. Il existe ainsi diverses manières de compter que l'on trouvera dans les textes plus détaillés cités à la fin de cet ouvrage. Tous ont pour but de rafraîchir notre concentration quand elle devient somnolente ou distraite.
Variante 3
Au lieu d'observer le souffle lui-même, nous pouvons aussi nous concentrer sur les mouvements de va-et-vient de l'abdomen qui accompagnent la respiration.
Variante 4
On peut aussi associer une phrase simple aux allées et venues du souffle. En expirant, par exemple, pensons (disons) mentalement : " Puissent tous les êtres être heureux " et, en inspirant : " Que toutes leurs souffrances disparaissent. "
Variante 5
Ceux qui pratiquent la récitation de mantras et en ont reçu la transmission peuvent combiner la récitation silencieuse avec l'observation du souffle. Ainsi, dans le cas du mantra " Om Mani Padmé Hung ", qui est celui du Bouddha de la compassion (Avalokiteshvara, en sanskrit), on récitera " Om " en inspirant, " Mani Padmé " en expirant, et " Hung " au moment de l'inversion du souffle.
Variante 6
Une autre instructionsuggère de compter jusqu'à sept à chaque fois que nous inspirons et que nous expirons, et d'imaginer que chacun de ces nombres est une touche de couleur appliquée à l'aide d'un pinceau. Les touches de couleurs représentent notre concentration et le pinceau l'effort nécessaire pour maintenir cette concentration. Efforçons-nous de faire en sorte que chacune des touches soit de la même qualité, de la même couleur et de la même luminosité.
Variante 7
Normalement, nous ne devons pas influencer le va-et-vient du souffle, ni nous attarder sur les transitions entre inspirations et expirations. Mais dans cette variante, nous allons nous concentrer quelques instants sur le " point d'extinction " du souffle, c'est-à-dire le moment où le souffle s'évanouit à la fin de l'expiration. C'est aussi un point d'extinction des pensées discursives qui sont suspendues quelques instants. Pendant ce bref instant, demeurons au repos dans cet espace limpide, serein et libre de fabrications mentales. Sans pour autant conceptualiser cette expérience, reconnaissons que c'est là un aspect fondamental de notre esprit, qui est toujours présent derrière le rideau des pensées.
Ces diverses variantes peuvent pratiquées à notre convenance, afin d'améliorer notre concentration.
Caractéristiques techniques
PAPIER | |
Éditeur(s) | NiL éditions |
Auteur(s) | Matthieu Ricard |
Parution | 22/11/2018 |
Nb. de pages | 208 |
Format | 11.3 x 17.9 |
Couverture | Broché |
Poids | 178g |
EAN13 | 9782841119820 |
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