Résumé
Faut-il se fier aux expositions internationales, a fortiori à la Biennale d'architecture de Venise, pour appréhender les mouvements de fonds et enjeux vitaux qui agitent le monde de l'architecture ? « Freespace », le fil rouge choisi par Yvonne Farrell et Shelley McNamara pour l'édition 2018 de la Biennale, laissera sans doute les amateurs de concepts porteurs et de visions engagées sur leur faim tant son interprétation est vaste. Nombre de visiteurs se souviendront des maquettes de cire, sable et béton de Peter Zumthor. D'autres ont d'ores et déjà loué le parti démocratique du pavillon belge, avec son amphithéâtre reconstituant un parlement européen idéal, « tournant en ridicule l'état-nation en déliquescence » et portant le doux nom d'Eurotopie. Ayant tranché en faveur du propos politique, ce pavillon a donc choisi de ne pas montrer d'architectures. Et pourtant, s'il y a bien une scène de plus en plus visible, c'est celle que composent, depuis quelques années, les V+, Hebbelinck, Baunkunst, Office, 51N4E ... ou encore dvvt - architecten de vylder vinck taillieu. Ces derniers ont d'ailleurs été récompensés, à la Biennale, d'un lion d'argent grâce à une scénographie composée de photos sur cimaises XXL invitant ainsi à déambuler dans l'une de leurs réalisations, la reconversion d'une villa en institut psychiatrique. S'il ne faut pas confondre les uns et les autres, flamands et wallons, jeune garde et vieux loups - qui parfois défendent des architectures irréconciliables - tous ont pour point commun d'avoir rendu ses lettres de noblesse, tout en en lui offrant un rayonnement international, à une profession un temps honnie en Belgique, à l'époque notamment où Bruxelles était défigurée par la spéculation foncière. Il fallut attendre les années 1990 pour que la qualité architecturale reprenne le dessus, avec les premiers concours publics, les « cellules » ou instituts dédiés, sans oublier la figure du bouwmeester, maître-architecte garant de cette qualité. Celui de Charleroi, Georgios Maillis, voit d'ailleurs dans l'architecture belge un « pragmatisme libéré » défini en partie par un rapport décomplexé à l'histoire de l'architecture. Une chose est sûre : les architectes belges maîtrisent à la perfection l'art du palimpseste autant que l'enveloppe budgétaire de leurs projets. Entre Histoire et histoires, audace et maîtrise, la scène belge est désormais gage de qualité, d'humanisme et de poésie.