Résumé
Mounia, tranquillement assise à sa fenêtre, l'observait depuis qu'il avait bifurqué au bout de l'impasse. Elle eut un haut-le-cœur en voyant Nadia progresser dans sa direction. Un instant, elle crut qu'elle allait à sa rencontre, mais fut vite rassérénée, car ils ne s'étaient pas vus. Cependant, ses craintes n'étaient pas finies. En effet, son cœur faillit s'arrêter au moment où elle aperçut deux voitures s'engouffrer dans la même issue ; elle comprit que le grand jeu venait de commencer.-- Allo ! Bonjour chérie, je suis sur place. J'arrive à l'instant, dit Mourad avec excitation.-- Bonjour, mon amour ! Oui, je sais que tu es là, je t'observe depuis un bon moment, lui répondit-elle calmement.Il reconnut à peine sa voix.-- Ah bon ? Et moi qui croyais te faire la surprise !-- Comme je chômais, je surveillais ton arrivée ; l'envie de te voir me brûlait.-- Eh bien, qu'attends-tu pour venir à ma rencontre ?-- J'arrive, mais éloigne-toi de la voiture en rebroussant chemin en direction de l'hôpital ; nous irons à l'appartement dont je t'ai parlé.-- C'est bon, ne me fais pas trop poireauter. Je suis fatigué et pressé de te voir de près.-- Il n'en est pas question ! Agissons comme si nous ne nous connaissions pas, jusqu'à ce que je t'aborde. Si je ne le fais pas, il faut m'ignorer ! OK ?-- Cela prend une allure de roman policier, on se croirait bien au cinéma, lui répondit-il sarcastiquement.Ce n'était pas une innocente boutade. Mourad prenait déjà ses distances. Il n'aimait pas ce genre de situation. L'amour faisait place à l'indifférence.-- C'est vrai, mais on n'est jamais assez prudent et je ne veux pas gâcher cette merveilleuse occasion, lui avança-t-elle, pour dissiper tout malentendu.-- Tu as raison ! Dans notre cas, la discrétion est recommandée et puis nous avons tout notre temps.-- Bon, j'arrive et je te dépasse. Suis-moi sans trop me serrer !-- C'est parti mon bébé ! Allez, à tout de suite, chérie.Quant à Mounia, elle était déjà de l'autre côté. Elle savait très bien qu'elle simulait la passion pour réussir sa mission. Elle s'était dépouillée de sa tendresse et de sa douceur, de tout ce qui faisait sa féminité, pour n'être qu'une pièce dans le rouage qui faisait avancer le mécanisme infernal du complot et de la lâcheté. Elle ne s'étonna même pas de son insensibilité, elle n'y pensait absolument pas. Elle avait seulement hâte d'en finir, croyant naïvement que la fin de Mourad signifiait la fin de son cauchemar. Elle le rejoignit au bout de l'impasse. Arrivée à son niveau, elle n'hésita pas à lui glisser un charmant bonjour en continuant son chemin comme si de rien n'était. Il ne lui répondit pas, se contentant de mesurer ses paroles...Il accéléra le pas, enfreignant sa consigne afin de jouir pleinement de sa démarche. Le pantalon noir se mariait à ravir avec sa silhouette harmonieuse. Le pull blanc moulant le buste lui allait comme un gant et l'on ne pouvait que se dissoudre devant le charme envoûtant qui s'en dégageait. Consciente qu'il la suivait de près, elle pressa le pas. Comme une somnambule sur le point de se réveiller, elle sentit monter en elle une ébauche de regret pour ce qu'elle accomplissait. Alors, l'automate qu'elle était devenue lutta contre le résidu d'humanité qui voulait se frayer un chemin à travers son être muet. Elle se retourna vers Mourad en le gratifiant d'un regard langoureux pour le tromper et se ressourcer davantage afin de vaincre sa fragilité.