Résumé
Dans le Sud-Ouest, la vie de métayer n'a jamais été vraiment un long fleuve tranquille. À l'époque de l'entre-deux-guerres, à Garrigue, près de Saint-Sever, dans la plus petite et la plus misérable des métairies que possède le marquis de Geoffroy, Pierre Tauzin partage, comme tous les enfants de sa condition, sa vie entre les travaux des champs et le braconnage. L'école, il ne la connaîtra qu'à l'âge de douze ans, mais seulement une fois par semaine, et grâce au dévouement de Labastie, l'instituteur du village. Suffisamment toutefois pour savoir lire et compter. Comme la jolie petite Nina, avec laquelle il se mariera, peu avant de partir à la guerre. La vie à Garrigue n'aurait pu être qu'une suite sans fin d'événements sans grand relief, hormis les péripéties que connaît Pierre, jeune homme très tôt révolté par la misère qu'il partage avec ses parents. Aux bords de l'Adour, dans cette première moitié du XXe siècle, la pauvreté des métayers est telle que les saisons se suivent et se ressemblent, pour peu du moins que la récolte ne soit pas compromise par les caprices du climat. Mais un événement va bouleverser l'existence des Tauzin... Peu d'années nous séparent de la Seconde Guerre mondiale. Car la guerre, à laquelle personne ne veut croire, survient. La ligne Maginot impressionne tout le monde, sauf les Allemands. Pierre a alors vingt-cinq ans et part pour le front où il est rapidement fait prisonnier. C'est à Stuttgart qu'on le retrouve, dans un atelier de montage de chars destinés à l'armée allemande. La belle, sensuelle et riche Héléna - juive allemande mariée à celui qui deviendra le tortionnaire de sa propre famille -, rencontrée par Pierre de manière assez cocasse dans ce camp de prisonniers, n'oubliera, la guerre terminée, jamais le jeune Tauzin, avec lequel elle a entretenu, durant quelques mois, une amitié amoureuse où les yeux seuls ont parlé. Mais, en homme de la terre, Roger Bayle est un pudique. Au débridé de la passion amoureuse, il préfère la retenue, c'est-à-dire, tout compte fait, le mystère de l'amour. D'où vient qu'on puisse vraiment aimer une femme, ou un homme, sans jamais altérer la fraîcheur de la première rencontre ? Ni congédier, comme ici, le souvenir de celle qui vous attend, là-bas, esseulée, dans la petite ferme déshéritée de Garrigue, aux portes du pays de Chalosse ? Héléna, maintenant riche industrielle dans l'Allemagne vaincue, viendra bien sûr sur les rives de l'Adour... mais pour y croiser un autre destin. Ce serait, toutefois, faire peu de cas de la part collective que Roger Bayle entend donner à ce roman, qu'il a voulu « daté », que d'ignorer les prolongements historiques que connut le statut des métayers. La réussite de Pierre, engagé lui aussi auprès de beaucoup d'autres pour faire triompher le fermage, est à l'image du bouleversement que connurent nos campagnes landaises à la Libération. La « loi sur le métayage » allait mettre fin définitivement à la plus injuste des servitudes dont ce roman est aussi, en quelque sorte et à sa manière, l'histoire à peine déguisée.