Résumé
Le capitaine de Geoffre a quitté l'armée ; la guerre a pris fin. Une paix étrange, aux relents de poudre, lui succède. Mais, aux aventuriers, l'aventure est une mère prodigue. Dans L'Homme de la Baltique, l'auteur avait brossé rapidement un récit des événements qui l'affectaient personnellement, pour raconter en détail l'existence de ses camarades de groupe et les avatars civils de ces aviateurs en rupture d'héroïsme. Aujourd'hui, il revient sur sa vie propre, et se décide à en livrer les détails étonnants. Les précisions qu'il donne sur les temps et les lieux l'autorisent à narrer ce qu'un romancier d'imagination n'oserait proposer à ses lecteurs. Car l'impossible ne peut exister que dans la réalité. Il faut avoir connu, comme l'a fait François de Geoffre, cette extraordinaire existence de Saïgon, où les planteurs, un instant échappés de l'enfer, brûlent au jeu les piastres gagnées au péril de leur vie, et donnent corps à leurs rêves fiévreux de la jungle, tandis que les tenanciers des tripots et des fumeries de Cholon sourient poliment et que restent impassibles les étranges concubines aux yeux fendus en amande. Dehors, les half-track font la police dans la rue. Tandis que tourne la roulette, et que les saxophones couvrent tous les bruits au cœur des dancings, les grenades claquent dans les marchés et les cinémas. Et puis il y a les trafics, licites ou non. Convois, où un camion est payé en cinq voyages, s'il n'a pas brûlé et si son propriétaire est encore de ce monde pour encaisser son dû, contrebandes pour les affamés de luxe, bref, tout un milieu coloré qui s'inscrit en marge du négoce des devises. L'auteur a tout tâté, tout risqué, tout vécu. Dans ce style brillant et spirituel qui caractérise son talent, il fait connaître les dessous d'une ville corrompue, anxieuse, étreinte par la guerre et jouissant frénétiquement de toutes les occasions d'oublier. Désargenté comme toujours, il en est revenu, grâce à la complicité d'un soutier. Voyageur clandestin, il a vécu la vie secrète des grands navires, celle que ne soupçonnent ni les voyageurs, ni les compagnies. Son voyage a la saveur des histoires du Midi, où se recrutent les équipages d'Extrême-Orient. Il narre ses émotions lors des inspections, les commerces secrets des navigateurs et leurs étranges escales. Il a partagé avec les durs une vie de vingt-sept jours en mer et reçu leurs confidences. Conteur spontané et plein d'une âcre gaieté, il a su deviner toute une faune inconnue et surprenante. Moqueur et sensible, rageur ou truculent, Inconnu à Bord est un livre qu'il faut avoir lu, parce qu'il est le récit véritable et sans enjolivures d'un voyage dans les soutes humides et brûlantes, par un clandestin qui sut vivre, regarder, écouter et dire.