Résumé
Graganda - si on lit mal on voit Gargantua, et dans l'autre poème (celui qui s'appelle Le Clocher) un personnage apparaît, comme juché en haut d'un clocher, justement, c'est Gargaros. Toujours cette allitération de gorge, qui nous donne (à nous en tous cas, lecteurs français) l'image des géants légendaires, ou des héros. Ces héros qui devraient bien venir ou revenir un jour, si l'on en croit le poème, pour sauver le monde. Yannis Ritsos, de qui toute la vie aura été liée au mouvement communiste, fait en Graganda la somme d'une expérience politique marquée de victoires, échecs, incertitudes ; mais toujours l'espoir demeure - cette foule, à la fin, comme un rêve persistant : la foule, celle qui remonte la rue du Stade, à Athènes, ou celle qui salue le retour des exilés, la foule dans la rue, comme si le fait de marcher ainsi dans la rue fondait une légitimité incontestable. Cet espoir-là est à la fin du poème, à son embouchure, comme si tant de chemins tortueux, obscurs, ne pouvaient mener que là, car la foi inconsciente accomplit secrètement les grandes oeuvres comme les fourmis, dans le noir, dit Oreste. Et plus nous lisons le poème, plus il nous semble fait de phrases entendues dans cette foule, prononcées par des gens - le peuple - que le poète restitue (les phrases et les gens) comme s'il marchait lui-même au milieu d'eux, immergé dans le flot de la langue. C'est bien son idée du poète qui apparaît là : témoin ou martyr, ou témoin des martyrs, il témoigne presque sans le vouloir, sans fin, et c'est pourquoi il écrit sans fin. Il n'a plus besoin de rien apprendre. Il sait tout. C'est vrai que Yannis Ritsos sait tout de la Grèce, pour toujours.