Résumé
Les nombreuses questions sociologiques soulevées par Zahra Ali sur les femmes, le genre et le féminisme en Irak ont trouvé des réponses à travers son expérience quotidienne dans le pays, de 2010 à 2019, ce dont elle rend compte avec virtuosité et profondeur dans son livre.
Virtuosité, car pour une journée de travail de terrain à Baghdad, il lui fallait passer une douzaine de checkpoints au moins se dirigeant de la maison familiale à al-Kazamiyya vers le centre-ville.
Profondeur, car ses observations ethnographiques nous permettent de comprendre comment un des pays les plus avancés de la région aux niveaux de l'éducation, de la santé, de l'emploi et des droits juridiques des femmes jusque dans les années 1990, a pu devenir ce territoire militarisé, contrôlé par des hommes armés, fragmenté, si difficilement vivable pour ses habitants, et encore plus pour les femmes.
Son étude sociologique mêle ethnographie et histoire sociale, politique et orale, et nous offre dans une écriture claire et précise une compréhension fine des expériences sociales, économiques et politiques des femmes irakiennes, permettant d'analyser le contenu, les réalités et la portée politique de leur activisme sous toutes ses formes, et de leurs féminismes.
Son regard postule que les femmes, les questions de genre, et les luttes féministes en Irak, doivent être analysées au moyen d'un prisme complexe, relationnel et historique, sans avoir recours à l'argument d'une "culture" ou d'un "Islam" indifférencié afin d'expliquer des réalités sociales, économiques et politiques.
Cet ouvrage de référence, brillamment traduit de l'anglais par Nadia Ghosn, traite autant des femmes, du genre et du féminisme en Irak qu'il est un ouvrage féministe sur l'Irak. Il tend à contribuer à des débats féministes critiques, et à proposer une analyse féministe postcoloniale et transnationale de l'histoire socio-politique contemporaine du pays.