Résumé
"Celui ou celle qui, séduit par l'oeillade touristique du titre, achèterait goulûment le présent opuscule dans l'espoir d'y trouver de non inutiles indications pour un plausible séjour venant couronner une vie laborieuse ; la famille qui l'acquerrait en croyant passer ainsi une paisible fin de semaine, avec le panier à provisions et la bonne jactance des grands-parents ; ceux-là dépenseraient en vain leurs vertueuses espèces sonnantes et trébuchantes. En effet, du point de vue touristique, qui est après tout celui qui davantage importe, le texte est dispersif et peu digne de foi, un exemple de piètre compétence professionnelle. Ici, point de cartes de l'Hadès, point de parcours panoramiques recommandés, point de restaurants nantis de toques, point d'informations sur les spécialités régionales, sur les horaires des magasins, point d'adresses utiles, point d'indispensables informations sur les coutumes indigènes, les formalités douanières, les fêtes folkloriques, les exécutions publiques, les habitudes du sexe et les horaires des cérémonies religieuses. En lieu et place de ce que tout un chacun, avec une légitime impatience, exigerait d'un guide apparemment destiné à combler une incompréhensible lacune, on trouvera ici des anecdotes moins qu'insignifiantes : d'insipides bavardages avec des amphisbènes, des cours universitaires, des vélléités auto-théologiques de la part de divinités peu dignes de foi ou, à tout le moins, des plus suspectes, l'inadéquate description d'une ville inhospitalière, de lunaires et lunatiques palabres, ainsi qu'un badinage désordonné avec une poupée intérieure. Il y aura également un Divin Foetus, hébergé dans le triste boyau d'une caverneuse crèche, et la peu éducative description de ce qui advient en ces lieux dépourvus de tout intérêt touristique ; enfin, on y jaspine de gros orteils et de suburre. Certes, si parmi les lecteurs il se trouvait des gros orteils - et même des nez -, je veux dire des gros orteils lecteurs, peut-être y découvriraient-ils des allusions à de non désagréables fantaisies, à des souvenirs, des espérances ; puisque les gros orteils sont de tempérament un tant soit peu sentimental et ne dédaignent pas les amitiés complices, délicates. Exception faite de ceux-là, se trouvera-t-il quelqu'un pour entreprendre un coûteux voyage et assister aux"aubes cadavériques" ? Certes, à leur façon, elles font du tourisme, à l'instar des sables dorés, des palmiers alanguis et des fervents volcans. Mais, honnêtement, de quelle sorte de tourisme parlons-nous ?" Giorgio Manganelli.