Résumé
Si l'on ne trouve pas parmi les Lumière, Méliès, Pathé ou Gaumont, d'illustres pionniers juifs lorsque le cinématographe naquit en France, l'arrivée d'immigrants d'origine juive venus des confins orientaux de l'Europe fournit à l'industrie cinématographique française beaucoup de ses futurs grands noms dans le domaine de la production (Alexandre Kamenka, Bernard et Émile Natan, Simon Shiffrin), de l'exploitation de salles (Léon Siritzky), de la post-production (les frères Kagansky), de la musique (Joseph Kosma) ou encore de la direction artistique (les décorateurs Alexandre Trauner et Lazare Meerson). Dès 1933, des cinéastes et des techniciens de renom fuyant le nazisme vinrent à leur tour mettre leur talent au service du cinéma français (comme le réalisateur Max Ophuls ou le chef opérateur Eugen Schüfftan). Après la période faste des années 1930, celle de l'Occupation vit les professionnels juifs du cinéma spoliés de leurs biens et dépossédés de leurs oeuvres. Beaucoup durent s'exiler, se cacher, quand ils ne furent pas assassinés à Auschwitz. Après-guerre, certains d'entre eux purent reprendre leur activité, avant que n'émergent de nouveaux acteurs durant les années 1950, devenant à leur tour les grands noms de la production cinématographique française, bientôt rejoints par d'autres immigrés ou fils d'immigrés juifs qui, partant de rien, commencèrent à bâtir dans les années 1970 de véritables empires (Claude Berri, Marin Karmitz, Gérard Lebovici). Ce nouveau dossier thématique propose de se pencher sur certaines figures juives du cinéma français quelque peu méconnues, voire oubliées du grand public (Nicole Stéphane), et sur d'autres bien plus célèbres, mais n'ayant pas fait l'objet d'une véritable investigation historique (Claude Berri) ou dont la dimension juive n'a pas été pleinement interrogée (Jean Epstein). À travers cette galerie de portraits couvrant la période 1930-1970, les contributeurs de ce dossier, réunis autour d'Ophir Levy (historien du cinéma, maître de conférences à l'Université Paris 8), s'intéressent à l'intégration des Juifs dans les différents secteurs de l'activité cinématographique française (production, réalisation, exploitation, post-production) mais également à leur brutale exclusion de celle-ci durant l'Occupation.