Résumé
Une langue, ce n'est pas rien de la parier, mais c'est encore autre chose que de chercher à la connaître. Car on parle bien d'abord une langue (au moins une) et non un - idiolecte "ou un - sociolecte". Mais si le Bon usage, de Maurice Grevisse, enregistre à peu près toutes les règles de grammaire connues, nul dictionnaire ne saurait prétendre à épuiser la sémantique d'une langue. On prend la route, mais on ne *prend pas le chemin, on l'emprunte; et s'il faut quand même se l'approprier pour pouvoir le perdre - on perd son chemin, non 'sa route-, c'est bien en route que l'on se perd etc. Les subtilités des emplois lexicaux, la finesse nécessaire à la compréhension et à l'explication de ces emplois, ce n'est décidément pas le dictionnaire qui peut les prendre en charge. Claudine Normand a pris parti pour une langue ordinaire qui serait à la fois beaucoup plus riche et plus précise que celle du dictionnaire : "fictive, sans doute, puisque générale, mais en même temps elle se manifeste de façon chaque fois particulière et concrète, quand elle est à l'oeuvre chez celui qui parle sa langue naturellement, sans recherche, sans effort, parce qu'il l'a apprise, qu'il la pratique dans sa vie quotidienne et la transmet, comme on le dit d'un précieux bien de famille, à ses enfants qui, à leur tour... (Bouts, brins, bribes). Cet ouvrage fait écho à la journée d'études préparée par les jeunes chercheurs de l'équipe Dynalang Sem, et à leur lecture des textes de Claudine Normand. Sans se laisser déborder par les appareils théoriques, en ayant en revanche le souci de la saveur des exemples, de l'étonnement et de la curiosité devant ce K précieux bien" qui est celui d'une collectivité, dans le temps de son histoire sociale et de sa littérature. La journée a été ponctuée par les réponses spontanées de Claudine Normand aux questions précises et souvent pressantes qui accompagnaient leur lecture. Elles nous éclairent sur la façon dont se sont conjugués, dans son propre parcours intellectuel, l'enseignement (à l'Université de Paris X - Nanterre), la recherche en histoire de la linguistique (notamment avec le groupe qu'elle anime depuis la fin des années 70 connu sous l'acronyme GRHIL), ses rencontres au travers de textes et de séminaires (notamment avec Saussure, Benveniste et Culioli) et d'autres formes d'engagements (la psychanalyse, l'activité militante). Trois de ses amis, enfin, le philosophe P. Caussat, le psychanalyste M. Safouan et le linguiste A. Culioli ont évoqué leurs échanges avec cette linguiste atypique.