Super 8
Relation homme femme via caméra et fiction
Alexandra Baudelot
Résumé
Aucun de nous pour échapper, dans l'écriture, à comment dire l'image. L'image fixe, l'image animée et sonore du cinéma, l'inscription matérielle de l'image dans notre contexte culturel et social, et nos pratiques de ces images.
Ici, c'est cela qu'on assigne comme matière même du récit. Non pas un film en général, avec scénario et histoire, mais une relation homme-femme destinée elle-même à devenir objet d'étude ou de langage pour un sociologue. Sauf qu'on revient en amont, aux seules images et comment elles s'organisent : comment celui qui veut les utiliser les construit, et comment partiellement elles lui échappent.
C'est ce biais qui permet à Alexandra Baudelot de se saisir de cette matière dynamique et fluide, les images, pour en faire objet de récit.
Voilà comment l'échange a commencé, je retranscris l'e-mail :
Il réalisa donc plusieurs centaines de séquences représentant des scènes de la vie de famille - toujours les mêmes : les vacances et les fêtes de famille, Noël et anniversaire. Le travail de fiction qui est mené ici rend compte de ces films, mais surtout des notes du sociologue où l'on peut y lire bien autre chose qu'une enquête sociologique.
En effet, Jacques Borret, qui n'avait pas de famille, retraça un récit familial construit à partir d'un certain nombre des séquences qu'il avait réalisées lui-même. Il y apparaît comme le protagoniste principal - l'homme à la caméra mais aussi le père et le mari de cette famille imaginaire.
S'éloignant donc de ses recherches sociologiques, en découle un travail d'écriture, ici extrait de manière volontairement fragmentaire, où c'est toujours par le prisme du travail d'images que se raconte cette histoire de famille. Une histoire violente et intime car profondément atteintes par les non-dits et par sa confrontation inévitables avec le désir d'un ailleurs propre aux libertés émergentes au cours des trois décennies de ces années de recherche.
L'écriture oscille entre la forme fragmentaire et parfois poétique ou purement factuelle. Le texte dérive peu à peu vers un vrai travail de fiction, sans attachement à une unité de lieu et de temps.
Maintenant, savoir qui m'écrivait, deuxième e-mail en réponse :
Maintenant, le corps du texte : un ensemble de proses brèves, découpées avec la plus extrême précision, et qui ne sont pas un mouvement vers le réel, mais capter par le langage ce qui se joue dans le temps limité et fragile d'une relation homme femme avec caméra, bien avant L'Homme atlantique de Marguerite Duras, où le rapport homme femme sera inversé.
Retour sur le dispositif :
Cette même année, en 1954, plusieurs ouvrages sur la danse classique sont publiés : Ballets d'hier et d'aujourd'hui, de Claude Baignières, Au Bon Plaisir ; Le ballet en France, du quinzième siècle à nos jours, de Boris Kochno, avec la collaboration de Maria Luz et des lithographies originales de Picasso, chez Hachette ; La naissance d'un ballet, de Rostislav Hofman, aux Editions du Journal Musical français, La Nef de Paris.
Aucun de ces livres ne fait mention de l'existence de Claire. C'est normal, Claire est devenu un personnage de fiction avant d'avoir été un sujet pour les historiens de danse. Très vite Claire n'a plus eu de liens avec le réel. Claire s'est incarnée dans un récit qui se raconte à travers les films Super 8 réalisés par son mari Jacques Borret - un des premiers sociologues à proposer l'image et le film comme support d'observation des pratiques sociologiques contemporaines. Jacques Borret a fait de Claire le motif principal de ses recherches sur l'émergence de la culture des loisirs et plus particulièrement sur le cercle familial. Il meurt tragiquement dans sa 45e année.
Jacques avait toujours su que son regard ferait du corps d'une seule femme l'héroïne de son obsession iconographique. Pas fou, la femme qui peuplerait ses images pour les années à venir Jacques l'avait choisie jambes levées à l'oblique, bras évanescents, visage altier. Jacques l'avait choisie dans les tirs croisés de milliers d'autres regards estampillés Opéra balletomane. Au moins il était sûr que ces milliers d'autres mâles fomenteraient de secrets complots pour détourner l'abandon jambes bras visage de Claire. Claire fidèle ferait de Jacques le roi d'un royaume de jambes, de bras et de visages démultipliés par l'accumulation des images. Claire : corps démembré sans cesse remembré par l'image.
Jacques régnait. Jacques était le roi de son royaume. Pour Claire qui était entre le commerce et l'objet de son corps son destin oscillait entre un mariage profitable, le devenir-héroïne ou la dégringolade des jours. Claire - mariage profitable. Après il faut se multiplier. Les enfants arrivent. Les deux par le siège. Accouchements douloureux. De toute façon Claire glisse. Elle glisse sur les humiliations, sur l'étreinte obligée, sur l'argument imparable de Jacques : je t'entretiens tu pourrais au moins. Jacques régnait. Jacques était le roi de son royaume. Claire rongeait son os. Ainsi se font les destins.
J'ai intitulé cette rubrique zone risque : l'expérience texte, entre image et réel, dans ce jeu homme femme redoublé par le rapport passé présent, et parce que l'écriture devient le seul recours pour aller par delà ce qui se joue entre ces quatre vecteurs de tension, cela prend tout son sens avec le texte que propose Alexandra Baudelot.
Caractéristiques techniques
NUMERIQUE | |
Éditeur(s) | Publie.net |
Auteur(s) | Alexandra Baudelot |
Parution | 01/06/2008 |
Nb. de pages | 98 |
Contenu |
ePub + PDF |
EAN13 |
9782814501140 |
Avantages Eyrolles.com
Nos clients ont également acheté
Consultez aussi
- Les meilleures ventes en Graphisme & Photo
- Les meilleures ventes en Informatique
- Les meilleures ventes en Construction
- Les meilleures ventes en Entreprise & Droit
- Les meilleures ventes en Sciences
- Les meilleures ventes en Littérature
- Les meilleures ventes en Arts & Loisirs
- Les meilleures ventes en Vie pratique
- Les meilleures ventes en Voyage et Tourisme
- Les meilleures ventes en BD et Jeunesse