Résumé
Il n'est rien de tel, hélas ! que la guerre, pour faire la connaissance intime du vocabulaire de l'Autre, de celui qui est en face. Certains, comme Péguy ou Pergaud, n'ont pas eu le temps de s'en rendre compte, fauchés comme les blés dès les premiers échanges. D'autres, qu'on n'ose dire plus heureux, sont allés jusqu'au bout et, la paix revenue, nous ont livré leurs impressions sonores, tantôt avec beaucoup de minutie et de science langagière, comme Dauzat, Esnault, Galtier-Boissière (et j'en passe !) ou de talent romanesque. Certes, cela ne date pas d'aujourd'hui et vaut aussi bien pour la conquête de l'Algérie que pour la guerre de 70 ou celle de 14-18, celle du Rif, celle de 39-45, sans parler, si j'ose dire, de la guerre dite d'Algérie, de 1954 à 62... Mais celle de 14-18 a le pompon, en ce qui concerne le mélange, cacophonique ou harmonieux, des mots de la quotidienneté meurtrière. Catherine Rouayrenc, passionnée du grand bouleversement lexico-stylistique fomenté par Céline, nous livre ici les résultats d'un travail de recherche considérable et minutieux, qui décortique avec beaucoup de lucidité l'ensemble des mots utilisés sur le front par les combattants français. Et ceci après un dépouillement exhaustif des trois grands livres que furent, et sont encore, Gaspard de René Benjamin, en 1915, Le Feu d'Henri Barbusse, en 1916 et Les Croix de bois de Roland Dorgelès en 1919, trois auteurs ayant participé, en partie ou en totalité, au déroulement du grand carnage.