Résumé
Le premier livre de Flora Bonfanti échafaudait une pensée en spirale à partir de postulats qui défiaient la nature, inventait des Lieux exemplaires en cherchant à rétablir une symétrie entre destruction et création, silence et bruit, naissance et mort... Plus d'échafaudages ici, ni d'architecture, mais une Prolifération, une volonté de rendre compte d'un « état désordonné de l'esprit où les choses qui ne se valent pas coexistent ». Les spéculations poétiques qui animaient son ouvrage précédent n'ont pas disparues : que se passerait-il si l'éternité se laissait aller au sommeil ? Quel est ce livre inachevé que dieu écrit, et sommes-nous son corps ? Peut-être nous réincarnons-nous à chaque vie nouvelle agglomérés aux êtres que nous avons aimés dans la précédente ? Mais on suit ici le fil d'une pensée, qui interroge sa propre présence au monde en même temps que sa présence au corps, on glisse des intentions du créateur aux manigances du ciel, de la détermination des rencontres et de l'amour aux éternités captives. Flora Bonfanti développe une pensée profondément spéculative qu'elle applique aussi bien à la spiritualité qu'à l'introspection - retours songeurs à l'enfance et pulsions vers l'avant. Prolifération est un livre qui part en visite de sa propre intelligence, cartographie ses curiosités, s'arrête un instant devant les vitrines de l'éternité, esquive une déception, s'attarde sur une joie. Le sujet n'est pas tant la douleur ni l'éternité, la joie ou l'aléatoire qui est une « couture apparente » dans la trame du destin, mais bien le fait même de s'interroger, de questionner le monde sans attendre vraiment de réponse, mais simplement tester ses hypothèses, en étant à la fois dans la gravité et la volatilité de la pensée. Nous sommes les musiciens du monde, dit Flora Bonfanti, dont nous jouons la partition sans la connaître, sensibles avant tout à sa musique, aux modulations de sa mélodie. « Nous pensions dévorer le monde alors qu'il se répandait grâce à nous », et nous marchons, dans une mystique de nous-mêmes, entravés par les mailles du destin, lourds d'incarnations successives, seuls comme des humains, toujours allant à la rencontre des autres, rejouant les mêmes comédies sous des airs tragiques, cherchant un peu de beauté, de vérité et d'amour dans une polyphonie incertaine et souvent trompeuse. Mais la légèreté de la pensée, la vivacité de l'intelligence qui se pose sur toute chose sont nos ailes - abeilles en quête de miel.