Résumé
Jaurès, avant d'être homme politique, fut professeur de philosophie. Plus que de véritables poèmes, ce sont des rêveries philosophiques qui nous sont ici proposées. L'édition, posthume (1921), ne nous permet pas de connaître la période de composition. Jaurès est né en 1859 dans un département, le Tarn, encore très rural. Il en garde une sensibilité réelle à la nature: nuages, oiseaux, soleil, étoiles, jeux de lumières, ciel bleu, terre, rochers, nuit. La philosophie fait intervenir Pascal, Copernic, Kant, Bossuet... et apporte les notions d'infini, d'espace, d'âme, de Dieu... Pour autant, l'homme n'est pas oublié: c'est un homme prométhéen, acteur de son progrès, qui apparaît dans «le blé». Derrière le tribun socialiste, nous voyons apparaître un homme complexe et sensible.
Extrait : Bien souvent, dans la contemplation et la rêverie, nous jouissons de l'univers sans lui demander ses comptes ; nous aspirons la vie enivrante de la terre avec une irréflexion absolue,
et la nuit étoilée et grandiose n'est plus bientôt, pour notre âme qui s'élève, une nuit dans la chaîne des nuits. Elle ne porte aucune date ; elle n'éveille aucun souvenir ; elle ne se rattache à
aucune pensée ; on dirait qu'elle est, au-dessus même de la raison, la manifestation de l'éternel. Nous ne nous demandons plus si elle est une réalité ou un rêve, car c'est une réalité si
étrangère à notre action individuelle et à notre existence mesquine qu'elle est, pour nous, comme un rêve ; et c'est un songe si plein d'émotion délicieuse qu'il est l'équivalent de la réalité...