Résumé
Peut-on encore dire " nous ", en temps d'extrême détresse, à l'ère du pénultième homme, en cette époque frémissant encore que l'on persiste à la nommer ? Cela dépend ; cela dépend de nous - lors même que nul Dieu ni Figure abstraite (ou Sujet : Humanité, Peuple, Prolétariat, Volonté Générale...) ne peut plus assurer quelque improbable consistance. Acéphale, innommable, déchiré, le " nous " insiste pourtant. Hâtif - pressant - , comme le temps. Infinitif, nous conjuguant ainsi au politique présent. Affaire de disposition d'esprits, de mises en cris : il s'agit de dégager un nous, incliné, par lequel il n'y a plus aucun homme pour regarder et décider de faire comme si - aucun nom. Personne ; des milieux habités, des lieux en relations. Non un Être, mais un clinamen, des existences disposées, un problème, simple, se disséminant plus ou moins habilement. Les forces du quelconque " personnent " : elles sonnent à travers les masques, vibrent, enivrent, résonnent, existent. Elles con-viennent, en situation, se révèlent tissées de mondes hétérogènes, surprenantes qualités qui dénient toute prédication, puissances d'invention qui conjurent la menace. Tâche infinie de la conspiration, tel le rêve d'une ombre. Qui parle ici n'attend plus rien de nous. Il nous attend seulement là, en ce lieu-sans-lieu, en ces géniales et concrètes utopies où il n'y a plus personne pour jouer à être quelqu'un. À partir des fins situées, dans ce qui naît corps s'écrivant, dans ce qui souffle - un pressentiment. Les enfants reviennent alors : naître et n'être sont semblables malédictions. Mettre le sérieux que nous mettions naguère dans nos jeux. Personner.