Résumé
Les lecteurs du dernier ouvrage de William Humphrey publié en France, La course amoureuse, risqueraient de penser : "Encore une histoire de pêche" - s'ils ne comprenaient très vite que le climat, ici, est bien différent de celui des précédentes expériences de l'auteur. L'homme que nous voyons passer une longue journée au bord de la rivière (et voici, en un sens, le plus "classique" des romans de Humphrey : un seul lieu, un seul jour, une seule action qui se joue tout entière dans la tête de Ben Curtis), s'il essaye de retrouver les émotions passées, ne peut plus être tout entier dans la lutte subtile entre lui et sa prise. D'abord, il n'est plus vraiment celui pour qui les lieux, le club de pêche, la rivière, représentaient autrefois un des aspects du paradis : il a maigri, ses cheveux ont blanchi au point que ses anciens compagnons le reconnaissent avec peine, et surtout il est seul - sa femme l'a quitté, son ami le plus cher, le plus admiré, est mort, la fille de celui-ci s'est jetée d'un cinquantième étage, et son propre fils s'est pendu, à Princeton, alors qu'il venait d'aborder des études qui comblaient ses voeux. Ben Curtis lui-même, le pêcheur solitaire, a tenté de se suicider, incapable de supporter la hantise des souvenirs et de trouver une réponse à l'obsession interminable du "pourquoi ?". La quête torturante d'une réponse amène le malheureux père à repasser dans son esprit les années heureuses, les promesses que son enfant paraissait si soucieux de tenir - avant tout à se demander quelle est sa faute personnelle, à quel moment, par quelle négligence, quel égoïsme, il a manqué à ses obligations. En un temps où les suicides d'êtres jeunes se multiplient, et avec la clairvoyance d'un enquêteur lui-même désintéressé mais passionné, William Humphrey nous propose l'exploration la plus poussée d'un phénomène qui nous touche tous. Il le fait avec une honnêteté sans faiblesse, et aussi avec la sûreté de style et l'émotion contrôlée qui sont depuis longtemps familiers à ses lecteurs.