Résumé
Le baiser au lépreux de la littérature. Les bons poètes me courent autant sur les haricots, que les bons footballeurs. Avec leur art berlusconiesque de faire danser le rigodon aux cadavres, qui constituent leur public, ce sont les derniers remparts contre le dégoût total qui, seul, peut encore menacer « l'État diarrhée verte » (Maurice Blanchard). Pourquoi alors, faire exception pour le compère Jimmy, pourquoi le lire, lui porter une santé et lui rouler des saucisses, comme je suis en train de m'y employer ? Ses ossements dispersés seraient-ils autre chose que de la très-très bonne poésie ? Non, non, jambon à cornes !, mais leur frigousseur n'est pas seulement, grâce à Maldoror, un très-très bon poète. C'est aussi un épouvantable fouteur de merde. Si je suis bien et dûment incapable de refuser quoi que ce soit à Jimmy Gladiator, y compris une préface, quand je n'en ai ni le temps ni l'envie (pré-face, chi-asse !), c'est que dans les puants « z'arts lettres » d'aujourd'hui, il n'y a quasiment plus de gentleman-dynamitero de sa farine. À l'heure, en effet, où à peu près tous les « boutefeux de sédition » des années-barricades (à commencer par les situs) ont remisé leurs mousquetons, et cautionnent par leur indolence le règne des nouveaux « francs matons », l'auteur du ci-présent recueil, sans désemparer et sans badenpowelliser (c.-à-d. en invitant toujours en même temps à « crever les tonneaux »), avec le flegme impitoyable du Django de Sergio Corbucci, continue d'incarner scandaleusement un certain surréalisme de combat conchiant les « culs-à-fric », et dégueulant tripes et boyaux sur les « poètes/libraires assis », mais ne se contentant jamais non plus d'être révolutionnaire dans l'écriture : « Quelle pitié qu'une révolution dans ! Merde à l'écriture ! » Jimmy Gladiator ne nous laisse pas le choix. Y faut qu'on le chouchoute, puisqu'à l'instar des feuilladesques pamphlétaires-agitateurs fin de siècle, les Libertad, les Pouget, les Zo d'Axa, qui joignaient les gestes de feu aux paroles de poivre, il a le front, lui aussi, de n'entendre « rire que dangereusement », en déchirant la cartouche contre les « rudes saloperies » (Érik Satie) en vogue, en lapidant les événements culturels à coups de fruits blets, en se mettant en quarante-quatre pour les honnis du jour (...). Ça suffit ! Ça suffit pour qu'on ne lui résiste pas. Raoul Vaneigem, jadis, recevait la visite-surprise de youpitantes lectrices, qui venaient lui tailler des plumes, parce que son Traité les avait fait beaucoup jouir. Je suggère aux belles ténébreuses tombant sur ces lignes, d'aller faire de ce pas criquon-criquette avec Jimmy. J'ignore comment elles seront accueillies, ne sachant rien des inclinations libidinales du bougre, mais je suis sûr qu'il trouvera l'initiative chouaga en soi. Et qu'il ne regrettera pas trop-trop de n'avoir pas confié cette intro à Serge Quadruppani. Noël Godin