Résumé
Certains livres frappent le lecteur en plein visage et le conquièrent de force. D'autres, au contraire, pénètrent lentement le cœur comme la voix d'un ami. Un livre de Pierre Bochot est de ceux-là. Les forces du cœur, ce sont les liens si puissants qui attachent l'homme à son enfance, à la nature, à sa vocation, et surtout à son enfant. Et pourtant, l'enfant auprès duquel Pierre Bochot a découvert la paternité, n'était ni de son sang, ni de sa race. C'était une petite métisse, enfant naturelle que sa mère ne pouvait plus élever. Elle appela au secours la compagne du narrateur, et lui confia la fillette que le couple adopta. C'est avant tout pour la petite fille qui lui enseigna l'amour paternel et la vie de famille, que Pierre Bochot prit la plume. Il lui conte comment elle le conquit, comment sa fragilité, son impuissance de petite abandonnée, sa confiance spontanée, obligèrent son cœur. Il lui raconte aussi sa vie : il était fils d'un meunier bourguignon, que son propre père avait condamné à être cuisinier, et qui s'est obstiné à emprunter à un usurier pour acheter un vieux moulin abandonné, l'a remis en marche et y a vécu heureux, en fabriquant du pain noir. Plus tard, le meunier a, lui aussi, voulu contraindre son fils à exercer ce qui était pour lui le plus beau des métiers. Or, le fils voulait être peintre et sculpteur et, à son tour, il s'est obstiné à suivre sa vocation. Mais sa misère le condamnait à ne faire ce beau métier d'artiste qu'à travers beaucoup d'autres métiers d'artisans : ébéniste, commis d'architecte, au milieu d'amis aussi besogneux que lui, et possédés de la même flamme. Plus tard, ce fut la guerre, la captivité, dont les horreurs vinrent rompre une vie qui était belle malgré la misère. Pour l'enfant enfin, pour ce foyer qu'elle à créé, il fallait une vie moins hasardeuse. L'artiste a su modeler, à force d'obstination, son destin, et s'il accepte un poste de professeur de dessin, c'est à la Martinique - le pays qui a nourri ses rêveries d'enfant - qu'il exercera, et c'est sur le bateau qui l'emporte qu'il dresse le bilan des années passées. Le grand secret de Pierre Bochot, c'est d'avoir su imprégner chacune de ses pages d'une poésie simple, grave, émouvante par sa simplicité même, et parfaitement authentique. Pas une mièvrerie, pas une fadeur, pas une facilité. Un langage constamment juste, qui ne hausse jamais le ton, et suffit à lui seul pour le plus délicat des plaisirs.