Le grand solitaire

C'est aux environs de Bucarest, dans un ancien château princier transformé en résidence pour les artistes, que Nicolae mène une existence paisible de "grand solitaire", à l'écart du monde. Retiré de la politique active, après avoir été un partisan convaincu du nouveau régime à sa naissance, il s'occupe à présent des serres, tout en préparant son diplôme d'ingénieur horticole.

Les fleurs qu'il cultive seront le prétexte de sa rencontre avec Simina, jeune femme peintre qui fréquente parfois le château, avec ses amis écrivains. Entre cet homme de trente-cinq ans, déjà revenu de tout, semble-t-il, et cette passionnée de quinze ans sa cadette, va naître un violent amour à éclipses, comme changeant, aux couleurs du temps qui passe. Semée d'emb-ches, de brouillards, d'hésitations, de divorce, de tragédie - un meurtre viendra même un moment la troubler -, leur passion résiste et s'affermit, comme malgré eux. On dirait que le sort s'évertue à jouer de leurs incertitudes, jusqu'à ce qu'il consente à les réunir pour mieux les séparer, sans espoir.

Une fois de plus réduit à lui-même, rencogné au fond de son parc, Nicolae le grand solitaire comprendra enfin qu'il a peut-être une place réservée parmi les vivants, qui construisent une société nouvelle. On ne peut pas éternellement cultiver son jardin, comme si le reste des hommes n'existait pas.

Foisonnant, fertile en surprises, en tableaux, voire en caricatures satiriques, ce livre dense s'impose avec une force évidente, et dans cet univers paysan en pleine mutation, l'aventure tchékhovienne de Nicolae et de Simina prend un relief tout particulier. À travers leurs conversations, leurs aveux, leurs souvenirs d'enfance tendrement mêlés, qui ouvrent des aperçus nombreux sur l'insolite univers de la Roumanie d'hier et d'aujourd'hui, ces deux êtres enseignent une autre façon de vivre et d'aimer, tandis que nous gagne à la dérobée le talent déchirant et nostalgique d'un grand romancier.